La prostatite chronique bactérienne ne représente qu’environ 5 à 10 % de l’ensemble des prostatites chroniques. À la terminologie classique de prostatite chronique non bactérienne s’est substituée celle de prostatite chronique / syndrome douloureux pelvien chronique (PC/SDPC). Le PC/SDPC est défini par une douleur pelvienne chez l’homme présente pendant au moins 3 des 6 mois précédents et sans cause identifiable. Les autres symptômes comprennent des difficultés de miction obstructives ou irritatives, des douleurs éjaculatoires et une hématospermie. Le retentissement sur la qualité de vie est notable et le niveau de douleur fortement associé à des troubles sexuels.
Dans les guidelines 2018 de l’ European Association of Urology (EAU) concernant le traitement du PC/SDPC [1], l’acupuncture apparait avec une recommandation forte et le niveau de preuve le plus élevé (1a). Cette recommandation est basée sur deux revues systématiques publiées en 2016 et 2017 [2,3] mettant en évidence l’efficacité de l’acupuncture versus acupuncture factice. L’EAU énonce seulement deux autres recommandations thérapeutiques fortes avec niveau de preuve 1a, mais celles-là avec des limitations notables :
- traitement par α-bloquants chez les patients avec PC/SDPC évoluant depuis moins d’un an ;
- traitement par antibiotiques (quinolones ou tétracyclines) chez les patients avec PC/SDPC évoluant depuis moins d’un an, et naïfs de traitement (n’ayant pas encore reçu de traitement pour le PC/SDPC).
L’EAU actualise ses recommandations tous les ans, et il est ainsi facile de suivre leur évolution. En ce qui concerne l’acupuncture on observe une progression au fil du temps du niveau de preuve scientifique et en conséquence du grade des recommandations (tableau I). Cette évolution s’observe également dans d’autres pathologies comme la fibromyalgie [4] ou la migraine [5] et parait une caractéristique assez générale dans le champ de l’acupuncture.
Élément notable, les recommandations 2018 de l’EAU concernant l’acupuncture sont renforcées par une revue systématique de la Cochrane Collaboration parue également en 2018 et réalisée par une équipe internationale d’urologues [6]. Dans cette revue portant sur l’ensemble des thérapeutiques non-médicamenteuses, l’efficacité de l’acupuncture versus acupuncture factice est confirmée et la qualité de preuve est énoncée élevée selon la méthode GRADE.
La même équipe a ensuite publié en 2019, toujours dans le cadre de la Cochrane, une autre revue portant cette fois sur les traitements médicamenteux [7]. La qualité des preuves concernant les α-bloquants est évaluée très basse avec une augmentation des effets secondaires, et basse pour les antibiotiques.
Dans le PC/SDPC, l’acupuncture apparait ainsi comme un traitement de première intention avec comparativement aux autres thérapeutiques le niveau preuve le plus solide, et le moins d’effets indésirables.
Dr Johan Nguyen
Références
- Engeler D, Baranowski AP, Borovicka J et al. EAU Guidelines on Chronic Pelvic Pain, European Association of Urology (EAU). 2018. [207489]. |doi|.
- Qin Z, Wu J, Zhou J, Liu Z. Systematic Review of Acupuncture for Chronic Prostatitis/Chronic Pelvic Pain Syndrome. Medicine (Baltimore). 2016;95(11):e3095. [166513]. |doi|.
- Chang SC, Hsu CH, Hsu CK, Yang SS, Chang SJ. The efficacy of acupuncture in managing patients with chronic prostatitis/chronic pelvic pain syndrome: A systemic review and meta-analysis. Neurourol Urodyn. 2016;1-8. [52573]. |doi|.
- Goret O, Nguyen J, Pernice C, Gerlier JL. Fibromyalgie : évaluation de l'acupuncture. Centre de preuves en acupuncture. Avril 2020. | URL |.
- Goret O, Nguyen J, Pernice C. Migraines : évaluation de l'acupuncture. Centre de preuves en acupuncture. Mai 2020. |URL|.
- Franco JV, Turk T, Jung JH, Xiao YT, Iakhno S, Garrote V, Vietto V. Non-pharmacological interventions for treating chronic prostatitis/chronic pelvic pain syndrome. Cochrane Database Syst Rev. 2018. [100563]. |doi|.
- Franco JV, Turk T, Jung JH, et al. Pharmacological interventions for treating chronic prostatitis/chronic pelvic pain syndrome. Cochrane Database Syst Rev. 2019. [206340]. |doi|.
Mots-clés : Douleur - Institutions - Recommandation de bonne pratique - Urologie
Merci pour ces informations, référencées. Cela manque en général et pourtant très encourageant pour les praticiens trop isolés – pas de rapprochement avec le milieu de la recherche ou manque de données scientifiques positives… Intéressant !
C’est la validation progressive par l’ebm occidentale de la prise en charge acupuncturale du « syndrome Lin » ou strangurie si justement décrit en orient depuis longue date: tout finit par arriver, si l’acupuncture médicale ne disparaît pas en France entretemps…
Oui,
Mais c’est la validation de l’acupuncture dans la PC/SDPC, pas dans le syndrome Lin ni la strangurie. On peut considérer tous les PC/SDPC comme syndrome Lin, mais tout syndrome Lin n’est pas PC/SDPC.
L’EBM n’est pas occidentale, pas plus que la science n’est occidentale, une de ses caractéristiques de base étant l’universalité. La distinction culturelle Orient-Occident n’est pas appropriée dans notre cadre professionnel.
Le terme « acupuncture médicale » est très ambiguë et jette un voile pudique sur notre problématique professionnelle centrale.
Le qualificatif de « médicale » se rapporte-il à la qualité de celui qui pratique l’acupuncture : l’acupuncture pratiquée par des médecins ? Ou se rapporte-t-il au cadre dans lequel est abordée l’acupuncture : l’acupuncture abordée d’un point de vue médical, c’est-à-dire avec les règles et méthodes communes de notre profession, la valeur de base étant celle de la science.
Être médecin ne signifie pas automatiquement placer l’acupuncture dans le cadre scientifique collectivement admis de la médecine. Inversement ne pas être médecin ne signifie pas se situer hors du cadre scientifique. Il y a deux questions distinctes : sociologique (le statut professionnel) et épistémologique (le rapport à la science). Les deux sont reliées par une troisième question d’ordre éthique : peut-on se prévaloir de son titre de médecin (je parle bien sûr d’un point de vue général) tout en récusant ou en malmenant à volonté le cadre médical ?