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201- Efficacité de l’acupuncture dans la lombalgie chronique du sujet âgé : un essai clinique pragmatique de grande ampleur conduit aux États-Unis (BackInAction)

DeBar LL1, Wellman RD2, Justice M2, Avins AL3,4,5, Beyrouty M6,7, Eng CM2, Herman PM8, Nielsen A6,7, Pressman A4,5,9,10, Stone KL4,9, Teets RY6,7, Cook AJ2. Acupuncture for Chronic Low Back Pain in Older Adults: A Randomized Clinical Trial. JAMA Netw Open. 2025 Sep 2;8(9):e2531348. [1]
1Kaiser Permanente Center for Health Research, Portland, Oregon.
2Kaiser Permanente Washington Health Research Institute, Seattle.
3Division of Research, Kaiser Permanente Northern California, Oakland.
4Department of Epidemiology and Biostatistics, University of California, San Francisco.
5Kaiser Permanente Bernard J. Tyson School of Medicine, Pasadena, California.
6The Institute for Family Health, New York, New York.
7Alfred and Gail Engelberg Department of Family Medicine and Community Health, Icahn School of Medicine at Mount Sinai, New York, New York.
8RAND, Santa Monica, California.
9California Pacific Medical Center Research Institute, Sutter Health, San Francisco.
10Center for Health Systems Research, Sutter Health, Walnut Creek, California.

Contexte et enjeux

Cette étude a été conduite dans le cadre d’un large programme de recherche financé par les National Institutes of Health (NIH), afin d’éclairer les décisions de remboursement de l’acupuncture par Medicare, le programme public d’assurance maladie des personnes âgées aux États-Unis. Elle s’inscrit dans un contexte de forte prévalence de la lombalgie chronique et de limites bien identifiées des traitements médicamenteux dans cette population. Malgré des recommandations en faveur des approches non pharmacologiques, les données cliniques spécifiquement disponibles chez les sujets âgés restaient limitées. L’essai vise à évaluer l’efficacité de l’acupuncture en conditions de soins courants afin d’informer les choix de politique de santé et de couverture assurantielle.

Objectif

Évaluer l’effet de l’acupuncture sur le handicap fonctionnel lié à la lombalgie chronique chez des personnes âgées, comparativement aux soins médicaux habituels. L’étude a ainsi été dénommée par les auteurs BackInActionback in action »), dans une logique de communication scientifique centrée sur la reprise fonctionnelle.

Lieu

L’étude a été menée au sein de quatre systèmes de santé américains (Kaiser Permanente Washington, Kaiser Permanente Northern California, Sutter Health et The Institute for Family Health), répartis sur trois zones géographiques : le Nord-Ouest pacifique, la Californie du Nord et la région de New York. Selon les organisations, l’acupuncture était soit intégrée aux cliniques de soins primaires, notamment au sein des centres de santé communautaires fédéraux de l’Institute for Family Health, soit assurée par des acupuncteurs exerçant en ville, vers lesquels les patients étaient orientés.

Patients

Ont été inclus des adultes âgés de 65 ans ou plus présentant une lombalgie chronique non spécifique, avec ou sans irradiation radiculaire, évoluant depuis au moins trois mois, associée à un retentissement fonctionnel et une interférence douloureuse suffisante à l’inclusion, définie par un score ≥ 3 à l’item « interférence avec l’activité générale » de l’échelle PEG.

Échelle PEG (douleur et retentissement fonctionnel)
L’échelle PEG est une échelle ultra-brève en trois items, dérivée du Brief Pain Inventory, utilisée pour l’évaluation de la douleur et de son retentissement fonctionnel en soins primaires. Sa fiabilité et sa validité ont été établies chez des patients présentant des douleurs chroniques.

Elle repose sur trois questions notées de 0 à 10, se rapportant à la dernière semaine et portant sur :

1. l’intensité moyenne de la douleur,

2. l’interférence de la douleur avec le plaisir de vivre,

3. l’interférence de la douleur avec l’activité générale.

Le score PEG est calculé comme la moyenne arithmétique des trois items.

Dans l’étude BackInAction, les patients inclus devaient présenter un score ≥ 3 à l’item « interférence avec l’activité générale » de l’échelle PEG.

Interventions

800 participants (âge moyen : 73,6 ans) ont été randomisés en trois groupes.

  • Soins médicaux habituels (n=266) : les participants reçoivent, pendant les 12 mois de suivi de l'étude, la prise en charge usuelle de leur centre de soins, l'acupuncture étant exclue.
  • Acupuncture (n=265) : les participants reçoivent un traitement par acupuncture comprenant 8 à 15 séances sur une période initiale de 12 semaines, en association à la prise en charge usuelle.
  • Acupuncture prolongée par des séances d'entretien (n=269) : les participants reçoivent le même traitement par acupuncture sur la période initiale, complété par 4 à 6 séances supplémentaires au cours des 12 semaines suivantes, en association à la prise en charge usuelle.

Dans les deux groupes acupuncture, les traitements sont réalisés par 55 acupuncteurs diplômés, dans le cadre d'un protocole pragmatique élaboré par un panel d’experts selon une méthode Delphi [2]. Ce cadre laisse une grande liberté dans le choix des points tout en contraignant plus précisément les autres paramètres du traitement.

Protocole d’acupuncture de l'essai BackInAction
Le cadre opératoire est présenté selon la norme STRICTA (Standards for Reporting Interventions in Clinical Trials of Acupuncture).
Domaine STRICTAParamètres du traitement
Justification du traitement
Style d’acupunctureAcupuncture relevant de la médecine traditionnelle est-asiatique, comprenant systématiquement un interrogatoire clinique et une palpation préalable à la réalisation du traitement. L’intervention est spécifiquement centrée sur la prise en charge de la douleur.
Fondement du traitementIntervention définie à partir de recommandations issues d’un processus Delphi modifié, fondé sur les données de grands essais cliniques consacrés à la lombalgie chronique, complétées par la littérature pertinente préalablement communiquée aux membres du panel.
Variabilité du traitementUne adaptation du traitement à la présentation clinique individuelle du patient est attendue.
Détails de puncture
Nombre d’aiguillesUtilisation recommandée de 6 à 20 aiguilles par séance.
Sélection des pointsAssociation de points locaux et distaux, sélectionnés parmi 113 points d’acupuncture prédéfinis (214 en comptant la bilatéralité) incluant les régions lombaire, dorsale moyenne et supérieure, la face antérieure du corps avec points distaux du membre inférieur, ainsi que des points auriculaires. Les points ashi identifiés à la palpation sont autorisés. La sélection d’autres points est possible sous réserve d’une justification clinique documentée.
Voir annexe : fiche de sélection et de rapport des points d’acupuncture.
Profondeur d’insertionProfondeur d’insertion recommandée correspondant à 75 % de la profondeur maximale considérée comme sécuritaire pour chaque point. La puncture superficielle n’est pas autorisée.
Sensation de deqiLa recherche de la sensation de deqi est recommandée, à la discrétion du praticien.
Type de stimulationStimulation manuelle exclusivement.
Durée de séanceLa durée de la séance est habituellement comprise entre 20 et 30 minutes lorsque le traitement est réalisé dans une seule position du patient (jusqu’à 40 minutes possibles). Lorsque la séance nécessite deux positions successives du patient, la durée est généralement de 15 à 20 minutes par position (jusqu’à 25 minutes).
Type d’aiguilleUtilisation recommandée d’aiguilles sans revêtement de silicone. Le calibre et la longueur sont laissés à l’appréciation du praticien.
Schéma thérapeutique
Nombre de séancesPhase standard : maximum de 15 séances, avec un minimum recommandé de 8. Phase d'entretien : maximum de 6 séances supplémentaires, avec un minimum recommandé de 4.
Fréquence et duréePhase standard : recommandation de 6 à 8 séances au cours des 60 premiers jours, et d’au moins 1 à 2 séances durant les 30 derniers jours. Phase d'entretien : minimum de 4 séances recommandé, sans précision temporelle supplémentaire.
Autres composantes du traitement
Modalités adjuvantesAucune modalité adjuvante n’est autorisée. Des recommandations d’hygiène de vie peuvent être délivrées.
Cadre et contexteTraitements réalisés en cabinets de ville ou au sein de structures de soins primaires. Les praticiens sont formés à la protection des personnes se prêtant à la recherche, au protocole de l’étude, aux procédures de sécurité spécifiques et aux modalités de recueil des données.
Qualification de l’acupuncteurExpérience clinique minimale de trois ans requise (cinq ans préférée), incluant une pratique régulière, une expérience dans la prise en charge de la lombalgie chronique et des patients présentant des comorbidités multiples, ainsi qu’un engagement à respecter les contraintes du protocole.
Annexe : fiche de sélection et de rapport des points d’acupuncture
Les praticiens disposent d’une fiche de sélection et de rapport des points d’acupuncture, destinée à documenter de manière standardisée les points utilisés au cours des séances.
Le schéma de gauche représente la face postérieure du corps. Les colonnes Left et Right correspondent respectivement aux côtés gauche et droit, et C (Center) au Vaisseau Gouverneur (GV). Les points sont disposés selon leur localisation (BL : Vessie ; GB : Vésicule Biliaire ; GV : Vaisseau Gouverneur). Les points Huatuojiaji (HTJJ) sont mentionnés par leur niveau vertébral (T1–L5). Cinq points hors méridiens sont cités : yintang, yaoyan, pigen, huanzhong et shiqizhui (SQZX).
Le schéma de droite identifie les points de la tête, de la main, de l’abdomen (GB : Vésicule Biliaire ; LI : Gros Intestin ; VC : Vaisseau Conception ; yintang) et de l’oreille (shenmen, dos, hanche, jambe, genou et cheville).
Le schéma de gauche représente la face postérieure de la jambe avec les points de la Vessie (BL) ainsi que l’association 62V ↔ 3IG. Le schéma de droite représente la face antérieure de la jambe et du pied avec les points de la Vésicule Biliaire (GB), de l’Estomac (ST), de la Rate (SP), du Foie (LV), du Rein (KI), ainsi que l’association 41VB ↔ 5TR.
La fiche prévoit explicitement l’utilisation de points ashi, dont la localisation est à préciser, ainsi que la possibilité de recourir à tout autre point jugé pertinent, sous réserve d’une justification clinique rapportée.

Critères d’évaluation

  • Critère principal : évolution du handicap lié à la lombalgie, évalué par la variation du score au Roland-Morris Disability Questionnaire (RMDQ, 24 items) entre l’inclusion et 3, 6 (temps principal) et 12 mois après la randomisation.
  • Critères secondaires : l’échelle PEG ; la proportion de participants présentant une amélioration cliniquement significative (≥ 30 %) du RMDQ ; l’impression globale de changement liée à la douleur (PGIC).
  • Événements indésirables.
Le questionnaire Roland-Morris sur l’incapacité
Le Roland-Morris Disability Questionnaire (RMDQ) est un questionnaire auto-rapporté de 24 items utilisé pour évaluer le retentissement fonctionnel des lombalgies sur les activités de la vie quotidienne. Il est spécifiquement conçu pour les patients présentant une lombalgie aiguë ou chronique et constitue un instrument de référence en soins primaires et dans les essais cliniques.

Chaque item correspond à une affirmation décrivant une limitation fonctionnelle attribuée à la douleur lombaire. Le patient indique, pour chaque item, s’il s’applique ou non à sa situation au moment de l’évaluation. Le score total correspond au nombre d’items validés et varie de 0 à 24.

Texte intégral du questionnaire :

L’impression globale de changement liée à la douleur (PGIC)
L’impression globale de changement liée à la douleur (Patient Global Impression of Change, PGIC) est une échelle auto-rapportée qui évalue la perception subjective par le patient de l’évolution de sa douleur depuis le début de la prise en charge ou depuis une évaluation de référence. Elle est largement utilisée dans les essais cliniques et les études de soins primaires comme mesure globale de l’effet perçu d’un traitement.

La PGIC repose sur une question unique invitant le patient à apprécier le changement global de son état douloureux. La réponse est exprimée sur une échelle ordinale à sept modalités : très fortement aggravé, fortement aggravé, légèrement aggravé, inchangé, légèrement amélioré, fortement amélioré, très fortement amélioré.

Principaux résultats

  • Critère principal : À 6 mois (temps principal), l’amélioration du handicap lié à la lombalgie mesurée par le RMDQ est significativement plus importante dans les deux groupes acupuncture que dans le groupe soins habituels, sans différence entre les deux stratégies (avec ou sans séances d'entretien). L’effet est maintenu à 12 mois, et une amélioration significative est également observée à 3 mois dans le groupe acupuncture standard.

Figure 3. Évolution du handicap fonctionnel - RMDQ (DeBar et al., 2025)

🔵 UMC : groupe soins médicaux usuels. 🟧 Groupes acupuncture réunis : SA (acupuncture) et EA (acupuncture avec séances de maintien).

  • Critères secondaires :
    - À 6 mois, la proportion de participants présentant une amélioration cliniquement significative du handicap (réduction ≥ 30 % du score RMDQ) est plus élevée dans les deux groupes acupuncture que dans le groupe soins habituels, avec un effet maintenu à 12 mois.
    - Les scores à l’échelle PEG et l’impression globale de changement liée à la douleur (PGIC) sont également en faveur de l’acupuncture.
  • Événements indésirables : rares et comparables entre les groupes.

Conclusions des auteurs

Ces résultats soutiennent l’acupuncture comme une option efficace et bien tolérée chez les personnes âgées atteintes de lombalgie chronique.

Figure 4. Résumé visuel (DeBar et al., 2025)

Publiée dans JAMA Network Open, revue de premier plan, cette étude apporte une contribution majeure à la recherche clinique en acupuncture, tant par son ampleur que par sa thématique, son cadre institutionnel et sa méthodologie.

Le contexte institutionnel

L’étude prolonge le processus ayant conduit à la décision de couverture de l’acupuncture pour la lombalgie chronique par Medicare, prise en janvier 2020 à l’issue d’une évaluation formalisée des preuves cliniques [3]. Il s’agissait de la toute première indication de l’acupuncture prise en charge par le système fédéral américain d’assurance-santé. L’étude vise ainsi à consolider, au sein de la population âgée des bénéficiaires de Medicare, les données nécessaires à l’appréciation du caractère "raisonnable et nécessaire" de cette intervention non pharmacologique.

Elle s’inscrit dans un cadre institutionnel majeur, avec un appui méthodologique assuré par des centres de coordination spécialisés dans les essais pragmatiques (NIH Pragmatic Trials Collaboratory), un financement dans le cadre de l’initiative fédérale HEAL (Helping to End Addiction Long-term) du NIH dont l’un des objectifs est la réduction du recours aux opioïdes. Ce niveau de financement et de coordination inter-instituts souligne le caractère stratégique et prioritaire de l’essai dans les politiques américaines de prise en charge de la douleur et de réduction des risques liés aux opioïdes. De même, il atteste d’un cadre méthodologique pertinent pour répondre à la question posée.

Ce dispositif illustre un mode d’organisation dans lequel les institutions de régulation et de financement des soins ne se limitent pas à un rôle de contrôle des données disponibles, mais interviennent en amont dans la définition des questions cliniques jugées pertinentes. En articulant décision de couverture, identification des enjeux scientifiques et financement d’essais dédiés, Medicare et les instituts nationaux de recherche américains participent directement à l’orientation de la recherche clinique. Ils se positionnent ainsi comme co-producteurs des connaissances nécessaires à l’action publique, et non comme de simples évaluateurs ex post des preuves disponibles.

Le cadre opératoire de l'acupuncture

Le cadre opératoire de l'acupuncture laisse une large liberté au praticien, en particulier dans le choix des points. Cette latitude permet la prise en compte des variations de pratique dans un contexte de soins réels. En revanche, les autres composantes du traitement sont encadrées comme le nombre et la durée des séances, ou encore un recours exclusif à l'acupuncture manuelle, avec exclusion de l’électroacupuncture, de la moxibustion et des ventouses. Ces contraintes se justifient dans la mesure où ces paramètres impactent les modalités et le niveau de remboursement par les assurances.

L’étude montre que l’évaluation de l’acupuncture en essai clinique ne requiert pas nécessairement une standardisation stricte et uniforme du traitement. Un ensemble de pratiques hétérogènes, reposant sur une large liberté laissée aux praticiens, peut être évalué de manière recevable dès lors que le cadre opératoire général est clairement défini. De même, une pratique acupuncturale donnée, quelle que soit sa complexité ou son degré d’individualisation, peut tout aussi bien faire l’objet d’une évaluation clinique rigoureuse.

Le traitement d'entretien

L’inclusion d’un troisième bras comportant des séances d’entretien répond à un objectif pragmatique : explorer la durée optimale d’un traitement par acupuncture dans une perspective de décision en matière de prise en charge et de remboursement.

L’ajout de séances après la période initiale de trois mois n’est pas associé à un gain fonctionnel supplémentaire sur le RMDQ, critère principal de l’étude. Il s’accompagne en revanche d’une amélioration modeste et transitoire de la douleur ainsi que de l’impression globale de changement à six mois, effet qui ne persiste pas à douze mois.

Ces résultats vont dans le sens de l’hypothèse d’un nombre optimal de séances, susceptible de varier selon la pathologie, au-delà duquel le maintien du traitement n’apporte pas de bénéfice clinique supplémentaire [5].

La généralisabilité des résultats

Le dispositif d’étude, conçu d’emblée dans des contextes variés intégrant des systèmes de soins, des territoires, des populations et des pratiques cliniques proches de la pratique courante, confère une généralisabilité élevée aux résultats :

  • L’étude a été menée au sein de quatre organisations représentant des modèles contrastés de délivrance des soins aux États-Unis : des systèmes intégrés (Kaiser Permanente Washington et Northern California), un réseau non intégré majoritairement rémunéré à l’acte (Sutter Health) et un centre de santé communautaire fédéral (The Institute for Family Health).
  • Les centres étaient répartis entre le Nord-Ouest pacifique, la Californie du Nord et la région de New York, exposant l’intervention à des contextes démographiques, socio-économiques et d’offre de soins distincts.
  • L’intervention a été délivrée par 55 acupuncteurs diplômés exerçant en soins ambulatoires, selon un cadre pragmatique leur laissant une grande liberté thérapeutique.
  • La composition sociodémographique et ethnique de la population incluse est rapportée comme globalement cohérente avec celle de la population américaine, un élément particulièrement pertinent dans le champ de la lombalgie chronique, marqué par des inégalités d’accès aux soins et de recours aux traitements non pharmacologiques.

Ainsi, la portée générale des conclusions ne relève pas d’une extrapolation théorique mais d’un dispositif d’étude conçu dès l’origine en vue de leur intégration un système de santé.

Efficacité de l'acupuncture

L’essai pragmatique de DeBar et al. montre que chez des sujets âgés atteints de lombalgie chronique, l’acupuncture ajoutée aux soins médicaux usuels est associée à une amélioration du handicap fonctionnel par rapport aux soins usuels seuls, observable dès la fin de la période thérapeutique initiale et se maintenant à 12 mois.

Les auteurs estiment que la différence observée sur le RMDQ, de l’ordre de 1,0 à 1,5 point, présente une pertinence clinique, d’un niveau comparable voire supérieur à celui rapporté pour les autres traitements de la douleur. Cette appréciation repose également sur l’augmentation significative de la proportion de patients atteignant une amélioration fonctionnelle d’au moins 30 %, observée à 6 mois et maintenue à 12 mois avec l’acupuncture en complément des soins usuels.

L'acupuncture traitement de première ligne dans la lombalgie chronique du sujet âgé

Les résultats de l'étude peuvent être mis en perspective avec ceux de la méta-analyse la plus récente et la plus complète sur l’efficacité des traitements pharmacologiques et non pharmacologiques de la lombalgie chronique chez le sujet âgé (Soares et al. 2023 [5]). Elle porte sur 31 essais contrôlés randomisés incluant 2120 participants :

  • Parmi ces 31 essais, 29 portent sur des interventions non médicamenteuses, contre seulement 2 essais pharmacologiques.
  • Huit essais évaluent l’acupuncture, soit près de 25 % des études incluses.
  • Les deux essais médicamenteux sont des essais de faible effectif, comparant un opioïde au placebo sans différence statistiquement significative, et un opioïde à la prégabaline sans différence démontrée entre les groupes.
  • Seuls 2 essais, toutes interventions confondues, évaluent des effets à 12 mois, pour un effectif cumulé de 96 patients.
  • Aucun des 31 essais inclus n’est jugé à faible risque de biais.

La revue systématique conclut que les données disponibles ne permettent pas d’établir l’efficacité clinique des traitements pharmacologiques ou non pharmacologiques, y compris l’acupuncture, en raison d’un niveau de preuve globalement faible à très faible. Cette insuffisance est particulièrement marquée pour les traitements pharmacologiques, pour lesquels les données sont extrêmement limitées, y compris à court terme, sans mise en évidence d’un bénéfice par rapport au placebo. Elle illustre le décalage entre recommandations, pratiques cliniques et niveau de preuve.

Cette pauvreté des données apparaît d’autant plus problématique qu’elle contraste avec le recours fréquent aux opioïdes et autres traitements médicamenteux chez les sujets âgés atteints de lombalgie chronique, alors même que les risques associés sont bien documentés et majorés par la polypharmacie et les comorbidités. C’est dans ce contexte que s’inscrit le financement, pour partie, de l’étude BackInAction par l’initiative fédérale HEAL (Helping to End Addiction Long-term).

L’essai de DeBar positionne l’acupuncture comme la thérapeutique la mieux documentée dans la lombalgie chronique du sujet âgé. Elle présente le niveau de preuve le plus élevé actuellement disponible toutes modalités thérapeutiques confondues, et avec un profil de sécurité favorable, particulièrement déterminant chez les personnes âgées. Sur cette base, les auteurs de l'étude concluent que l’acupuncture est appelée à occuper la place de traitement de première ligne dans cette indication.

Nous avons ici un nouvel exemple où l’EBM ne se contente pas de valider l’acupuncture, mais conduit à une inversion de la hiérarchie thérapeutique. Cette inversion met en évidence le caractère inapproprié et inopérant d’une catégorisation normative qui prétend distinguer a priori médecines complémentaires ou intégratives et médecine fondée sur les preuves.

L’essai pragmatique BackInAction, mené aux États-Unis sur une large population de sujets âgés (n=800) atteints de lombalgie chronique, apporte des données robustes en faveur de l’efficacité clinique à long terme de l’acupuncture dans un contexte de soins réels.

Il s’inscrit dans un cadre institutionnel et assurantiel visant à répondre aux enjeux de santé publique liés à la prise en charge de la douleur chronique et à la réduction du recours aux traitements médicamenteux, en particulier aux opioïdes.

La confrontation du niveau de preuve, de l’efficacité clinique et du profil de sécurité doit conduire à repositionner l’acupuncture non plus comme simple option complémentaire, mais comme thérapeutique de première ligne dans la lombalgie chronique du sujet âgé.

Dr Johan Nguyen

Références

  1. DeBar LL, Wellman RD, Justice M, Avins AL, Beyrouty M, Eng CM, Herman PM, Nielsen A, Pressman A, Stone KL, Teets RY, Cook AJ. Acupuncture for Chronic Low Back Pain in Older Adults: A Randomized Clinical Trial. JAMA Netw Open. 2025 Sep 2;8(9):e2531348. https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2025.31348 🔓
  2. Nielsen A, Ocker L, Majd I, Draisin JA, Taromina K, Maggenti MT, Long J, Nolting M, Sherman KJ. Acupuncture Intervention Protocol: Consensus Process for a Pragmatic Randomized Controlled Trial of Acupuncture for Management of Chronic Low Back Pain in Older Adults: An NIH HEAL Initiative Funded Project. Glob Adv Health Med. 2021 May 26;10:21649561211007091. https://doi.org/10.1177/21649561211007091 🔓
  3. Nguyen J. Couverture par le Medicare du traitement par acupuncture des lombalgies chroniques. Acupuncture Preuves & Pratiques. Octobre 2021. https://gera.fr/medicare-et-acupuncture/ 🔓
  4. Nguyen J. Relation dose-réponse dans le traitement par acupuncture de la BPCO. Acupuncture Preuves & Pratiques. Mai 2024. https://gera.fr/bpco-acupuncture/ 🔓
  5. Soares Fonseca L, Pereira Silva J, Bastos Souza M, Gabrich Moraes Campos M, de Oliveira Mascarenhas R, de Jesus Silva H, Souza Máximo Pereira L, Xavier Oliveira M, Cunha Oliveira V. Effectiveness of pharmacological and non-pharmacological therapy on pain intensity and disability in older people with chronic nonspecific low back pain: a systematic review with meta-analysis. Eur Spine J. 2023 Sep;32(9):3245-3271. https://doi.org/10.1016/j.archger.2020.104177

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Mots-clés : Gérontologie - Rhumatologie


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