Un essai contrôlé randomisé est réalisé au China Medical University Hospital de Taichung (Taiwan) visant à évaluer l’efficacité de la puncture sous-cutanée de Fu dans l'épicondylite [1]. 60 patients porteurs d’une épicondylite unilatérale depuis plus d'un mois avec une douleur > 5 sur une échelle visuelle analogique, sont randomisés en deux groupes (tableau I) :
- puncture sous-cutanée de Fu (Fu’s Subcutaneous Needling, FSN) [tableau 1, figure 1-3 et vidéos 1- 2]
- électroacupuncture de surface (Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation, TENS) [tableau 1].
Le traitement comporte trois séances sur une semaine. Avant et après chaque séance, puis aux 8ème et 15ème jours, les résultats sont évalués sur 4 critères :
- la douleur sur échelle visuelle analogique (0-10)
- le seuil de douleur à la pression (algomètre)
- la force de préhension sans douleur (dynamomètre)
- la contracture musculaire (myomètre)
Aux 1er, 8ème et 15ème jours, les patients renseignent également l'auto-questionnaire Patient Rated Tennis Elbow Evaluation (PRTEE) qui porte sur la douleur et les activités usuelles ou spécifiques.
Dès la fin de la première séance un effet significatif est observé sur trois critères sur quatre dans le groupe FSN, seule la contracture musculaire n'étant pas modifiée. A partir de la 2ème séance, tous les critères sont améliorés, effet maintenu jusqu'à la fin de l'étude. Dans le groupe TENS, l'amélioration ne porte que sur deux critères sur quatre (douleur et force de préhension sans douleur) à tous les temps de l'étude. Sur ces deux paramètres, l'effet dans le groupe FSN est significativement plus élevé que dans le groupe TENS [figure 4].
En ce qui concerne l'auto-questionnaire PRTEE, une amélioration est observée dans les deux groupes, mais avec une amélioration significativement plus importante dans le groupe FSN aux deux temps de l'étude (8ème et 15ème jours) [figure 5].
Commentaires
L'étude suggère donc l'intérêt de la puncture sous-cutanée du Fu dans le traitement de l'épicondylite.
La puncture sous-cutanée de Fu
La technique a initialement été décrite par Fu Zhonghua (First Military Medical University, Guangzhou) en 1995 [2]. Mais la technique princeps alors utilisée diffère sensiblement de l'actuelle. Elle utilisait une aiguille d'acupuncture filiforme classique (diamètre 0.30 et longueur 50 mm), implantée en sous-cutanée, sans aucun mouvement imprimé à l'aiguille ni exécuté par le patient, sans recherche du deqi. L'aiguille était recouverte d'un pansement adhésif et laissée en place 24 à 48h [figure 6].
Cette première version de la technique est directement dérivée de l'acupuncture des poignets et chevilles (APC) sur laquelle Fu Zhonghua s'était spécialisé et avait initialement publié [3]. La seule modification opérée par Fu Zhonghua est qu'il n'utilise pas l'un des douze points aux poignets et chevilles décrits dans l'APC [figure 6]. Il définit à la place un point situé à proximité de la région douloureuse, l'aiguille étant dirigée vers le point de sensibilité maximale. Par exemple, en 1998 il publie une étude princeps sur le traitement de l'épicondylite où le point d'insertion est situé à 8 cm distalement du point douloureux de l'épicondyle [figure 6] [4].
Ce n'est qu'au cours des développements ultérieurs que progressivement vont apparaitre les autres caractéristiques de la puncture sous-cutanée de Fu : une aiguille spécifique plus rigide (qu'il fait breveter), le mouvement de balayage de l'aiguille, l'auto-mobilisation articulaire par le patient, le raccourcissement de la durée de séance.
L'acupuncture et ses modalités techniques
"Acupuncture" est un terme générique englobant toutes les modalités de stimulation physicochimique du point d'acupuncture. La notion même de point d'acupuncture n'est pas limitée aux points des méridiens puisque sont identifiés aussi des points hors méridiens, des points nouveaux, des points ashi (définis cliniquement et recoupant les trigger points), ou encore des points décrits dans le cadre de techniques de microsystème (acupuncture auriculaire….). Les modalités de stimulation sont également diverses puisque peuvent être utilisés différents types d'aiguille, des punctures superficielles ou profondes, avec ou sans recherche du deqi, avec ou sans manipulation d'aiguille. La durée de séance est également variable avec un retrait immédiat de l'aiguille ou au contraire des aiguilles laissées en place plusieurs heures ou jours. Tous ces différents éléments ont d'une façon ou d'une autre leurs racines dans la littérature classique. Fu Zhonghua parle d'ailleurs de sa technique comme une "version moderne d'acupuncture ancienne" [6].
L'acupuncture apparait ainsi comme un ensemble vaste de pratiques avec des sous-ensembles mettant en avant certains éléments techniques particuliers du corpus commun. La contradiction éventuelle entre ces différents sous-ensembles (par exemple puncture superficielle sans deqi ou puncture profonde avec recherche du deqi) n'est qu'apparente en ce qu'elles impliquent sans doute de mécanismes d'action différents [7]. L'enjeu pour les médecins est de déterminer les pratiques optimales dans une pathologie donnée.
Place de l'acupuncture dans le traitement de l'épicondylite
Les deux revues systématiques les plus récentes [8, 9] (incluant 14 et 10 essais contrôlés randomisés) concluent à l'efficacité de l'acupuncture (entendue au sens générique) versus tout contrôle [8] ou encore versus fausse acupuncture, infiltrations ou médicaments [9]. Toutefois le niveau de preuve est considéré comme faible selon la méthodologie GRADE [8].
Il faut mettre cela en perspective avec les thérapeutiques disponibles, habituellement recommandées ou utilisées. L'acupuncture est supérieure dans les comparaisons directes aux AINS et aux infiltrations. D'un point de vue général, seuls les AINS topiques montrent une efficacité mais avec un très faible niveau de preuve alors que les résultats pour les AINS oraux ne sont pas concluants [10]. Les infiltrations de corticoïdes ne sont pas recommandées [11], les ondes de choc ne démontrent pas d'efficacité [12] pas plus que les massages transverses profonds [13] ou les injection de PRP (auto-plasma riche en plaquettes) [14]. Les traitements de physiothérapie pris globalement semblent efficaces, mais sans indication d'une technique particulière et avec un niveau de preuve non supérieur à celui de l'acupuncture [15]. Aucun traitement ne montre une efficacité supérieure au contrôle à 6 mois [16].
L'acupuncture parait être une option thérapeutique de première ligne dans l'épicondylite.
Dr Olivier Goret et Dr Johan Nguyen.
Références
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Mots-clés : Rhumatologie