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141- Progrès récents de l’acupuncture en oncologie.

Chen Y1, Li M1, Guo K2. Exploring the mechanisms and current status of acupuncture in alleviating tumor metabolism and associated diseases: Insights from the central nervous system and immune microenvironment. SLAS Technol. 2024 Dec;29(6):100208. [1]
1First Clinical Medical College, Shandong University of Traditional Chinese Medicine, Jinan 250000, China.
2Department of Acupuncture, Shandong University of Traditional Chinese Medicine, Jinan 250000, China.

Objectifs

L'étude vise à une revue générale des progrès récents dans l'application de l'acupuncture en oncologie en s'appuyant sur l'analyse de 183 références.

L'acupuncture en oncologie

L’acupuncture connaît une intégration croissante dans le traitement des tumeurs, soutenue par des avancées significatives dans la compréhension de ses mécanismes d’action, ses bénéfices cliniques et son rôle dans des approches thérapeutiques multimodales.

  • Compréhension des mécanismes d’action. L’utilisation d’outils comme l’imagerie cérébrale (IRMf) et les analyses moléculaires a approfondi la connaissance des mécanismes biologiques sous-jacents, confirmant son impact sur la modulation neuro-immunitaire et inflammatoire.
  • Consolidation des preuves cliniques. Les essais cliniques et les revues systématiques montrent que l’acupuncture peut atténuer des symptômes fréquemment rencontrés chez les patients atteints de cancer, tels que la douleur, la fatigue, ou encore les nausées et vomissements. Ces effets bénéfiques participent à une amélioration globale de leur qualité de vie. L'acupuncture se positionne comme une thérapeutique complémentaire fiable et sûre, avec un rôle à jouer dans la prise en charge des patients cancéreux.

Mécanismes d’action

L’acupuncture influence plusieurs processus biologiques essentiels dans le cadre des maladies tumorales :

  • La régulation immunitaire. Elle stimule l’activité des cellules immunitaires, telles que les macrophages et les lymphocytes T, tout en équilibrant la production de cytokines pro- et anti-inflammatoires. Ces ajustements renforcent les capacités de défense de l’organisme contre les tumeurs (figure 1).
  • La neuromodulation. En agissant sur les neurotransmetteurs, comme la sérotonine et le GABA, elle réduit la douleur, améliore la gestion du stress et atténue la sensibilisation centrale (figure 2).
  • La régulation endocrinienne. Elle contribue à stabiliser les fonctions des glandes endocrines et à rétablir les boucles hormonales perturbées par les traitements anticancéreux.
  • L'inflammation et le stress oxydatif. Elle a un effet anti-inflammatoire et antioxydant et participe ainsi à la stabilisation du microenvironnement tumoral et à la limitation de la progression de la maladie.

Figure 1 : Mécanismes immunomodulateurs de l'acupuncture dans le traitement des tumeurs. L'acupuncture, en stimulant des points spécifiques (acupoints), agit via les ganglions rachidiens dorsaux (DRG) pour influencer le système immunitaire. A) Elle favorise la libération de cytokines clés, comme les interleukines (IL, impliquées dans les activités inflammatoires), les interférons (IFN, régulateurs du système immunitaire) et le facteur de nécrose tumorale (TNF, impliqué dans la destruction des cellules tumorales). B) Elle stimule la prolifération des cellules immunitaires et augmente leur activité, facilitant leur redistribution vers les organes affectés par les tumeurs. Ces processus renforcent la réponse immunitaire antitumorale et contribuent à la modulation du microenvironnement tumoral.

Figure 2 : Effets neuromodulateurs de l’acupuncture sur le système nerveux. La stimulation des points d'acupuncture (acupoints) agit sur les voies neuronales connectées à divers organes, notamment le cerveau, les poumons, le cœur, le foie, l’estomac, les intestins et les glandes mammaires. A) L’acupuncture diminue l’activité bioélectrique des neurones, (représentée par la ligne rouge), réduisant leur taux de décharge et leur excitabilité. B) Elle favorise la libération de neurotransmetteurs, notamment le GABA (γ-aminobutyrique), le glutamate et la sérotonine (5-HT, 5-hydroxytryptamine), au niveau des synapses, contribuant ainsi à maintenir l’équilibre du système nerveux. Ces mécanismes soutiennent la modulation des fonctions physiologiques et jouent un rôle essentiel dans la gestion des symptômes liés aux pathologies tumorales.

Figure 3 : Mécanismes analgésiques de l'acupuncture. L'acupuncture agit via les ganglions rachidiens dorsaux (DRG) pour moduler les interactions entre le système nerveux central, le système périphérique et les tumeurs, contribuant ainsi à son effet analgésique. La stimulation des DRG transmet des signaux neuronaux vers le cerveau (notamment les régions ACC : cortex cingulaire antérieur, Hypo : hypothalamus, Amy : amygdale, Hippo : hippocampe, CB : cervelet, et Thal : thalamus), influençant la perception de la douleur et les réponses inflammatoires. Modulation périphérique : l'acupuncture augmente l'expression de SP (substance P) et de PGE2 (prostaglandine E2), représentées par les flèches violettes, après la perception des signaux de douleur. Elle régule également les niveaux de cytokines inflammatoires (IL-1β, IL-6, TNF-α), indiqués par les flèches rouges, avec une diminution des cytokines pro-inflammatoires et une augmentation de l’IL-10, une cytokine anti-inflammatoire. Transmission synaptique : Les neurotransmetteurs (Glu : glutamate, CGRP : peptide relié au gène de la calcitonine, ATP) et leurs récepteurs (AMPAR, NMDAR, mGluR, CRLR, etc.) participent à la signalisation neuronale, modulant l’activité des synapses via des variations de la concentration de Ca²⁺ intracellulaire. Effets centraux : Les signaux envoyés au cerveau influencent les réponses neuro-immunitaires globales, contribuant à une réduction de l’inflammation systémique et à un contrôle plus efficace de la douleur.

Chen Y et al [1]

Applications spécifiques

L’acupuncture a montré des bénéfices cliniques significatifs en complément des traitements conventionnels dans la prise en charge de plusieurs types de cancers. Voici les applications spécifiques les plus notables :

  • Cancer du sein
    Chez les patientes atteintes de cancer du sein, l’acupuncture s’est révélée efficace pour réduire la fatigue liée aux traitements, l’un des symptômes les plus fréquents et invalidants. En régulant l’axe microbiote-intestin-cerveau, elle améliore également les troubles digestifs et émotionnels souvent observés chez ces patientes. Par ailleurs, elle contribue à une meilleure gestion de la douleur et des bouffées de chaleur, des effets secondaires fréquents des thérapies hormonales.
  • Cancer gastrique
    Dans le cadre du cancer gastrique, l’acupuncture joue un rôle notable dans la récupération postopératoire, en accélérant le retour des fonctions digestives normales après une chirurgie. Elle aide à atténuer les nausées et vomissements induits par la chimiothérapie, améliorant ainsi l’adhésion des patients à leur traitement. De plus, en agissant sur la douleur et les troubles métaboliques, elle contribue à une meilleure qualité de vie globale.
  • Cancer du poumon
    Chez les patients atteints de cancer du poumon, l’acupuncture améliore la capacité respiratoire et réduit la dyspnée, un symptôme majeur dans cette population. Elle atténue également la fatigue, souvent exacerbée par la radiothérapie, et joue un rôle important dans la gestion de l’anxiété et des troubles dépressifs qui accompagnent fréquemment cette pathologie. Ces effets combinés permettent une meilleure tolérance aux traitements conventionnels et favorisent une récupération plus rapide.
  • Autres types de cancers
    Bien que les recherches soient moins nombreuses, des données émergent pour soutenir l’utilisation de l’acupuncture dans d’autres types de cancers, comme ceux de la prostate ou du côlon. Dans ces contextes, l’acupuncture semble avoir un impact sur la gestion de la douleur, la réduction des effets secondaires des traitements et l’amélioration de l’état général des patients.

Limites et perspectives

Malgré ses bénéfices démontrés, l’acupuncture fait face à plusieurs obstacles qui compliquent son intégration systématique dans les traitements oncologiques. Ces limites concernent à la fois des aspects méthodologiques et scientifiques :

  • Absence de protocoles standardisés. La sélection des points, l’intensité des stimulations et la fréquence des séances varient considérablement, rendant difficile la généralisation des résultats.
  • Variabilité des réponses individuelles. Les différences biologiques et cliniques entre patients compliquent l’identification de paramètres optimaux.
  • Connaissance partielle des mécanismes. Bien que des effets positifs soient observés, les liens précis entre mécanismes biologiques et bénéfices cliniques restent à approfondir.

Pour surmonter ces obstacles, plusieurs perspectives prometteuses se dessinent, offrant des pistes d’amélioration pour renforcer l’efficacité et la reconnaissance de l’acupuncture :

  • Standardisation et personnalisation. Développer des protocoles harmonisés tout en les adaptant aux besoins spécifiques des patients pourrait maximiser l’efficacité et garantir des résultats reproductibles.
  • Collaboration et intégration. Encourager les échanges interdisciplinaires et intégrer l’acupuncture dans des protocoles thérapeutiques multimodaux, incluant chimiothérapie ou immunothérapie, afin de renforcer les approches globales.
  • Renforcement des preuves. Lancer des recherches à grande échelle et des essais cliniques multicentriques pour valider les résultats existants et établir des recommandations fondées sur des preuves solides.

Cette étude offre un panorama des avancées dans le domaine de l'acupuncture en oncologie. Elle reflète l'intensification, en amont, de la recherche sur cette thématique. Cela se traduit, en aval, par l'inclusion progressive de l'acupuncture dans les recommandations de bonnes pratiques, tant au niveau national qu'international.

Une thématique de la recherche biomédicale internationale

  • 927 publications portant sur l'acupuncture en oncologie ont été indexées dans la base de données Web of Science (WOS) entre 2000 et 2019 (Guo 2020 [2]). Le nombre annuel d'articles a connu une augmentation constante, étant multiplié par près de 10 sur cette période (figure 4).
  • Ces travaux sont originaires de 55 pays, traduisant une large internationalisation de la recherche en acupuncture. Les USA (36%) devancent la Chine (21%) pour le nombre de publication, ce qui est à noter car relativement rare dans le domaine de la recherche en acupuncture (figure 5).
  • Ce développement trouve en partie son origine dans la publication princeps de l’essai contrôlé randomisé publié en 2000 dans le très prestigieux JAMA. Cet essai, réalisé dans un centre anticancéreux de référence aux États-Unis, comparait l’effet de l’acupuncture réelle à celui d’une fausse acupuncture sur les nausées et vomissements induits par une chimiothérapie myélosuppressive. Ce travail a marqué un tournant en établissant des bases méthodologiques solides et en attirant l’attention sur le potentiel de l’acupuncture en oncologie [3].

Inclusion de l'acupuncture dans les guidelines sur la prise en charge des cancers

  • Sur la période 2018-2024, 37 guidelines sur la prise en charge des patients cancéreux et incluant l'acupuncture dans l'analyse des thérapeutiques potentielles ont été publiés : 9 internationaux et 28 issus de 6 pays (USA 16, Royaume-Uni 3, Canada 3, France 2, Allemagne 2 et Espagne 2).
  • 61 recommandations sur l'acupuncture ont été formulées, 51 positives (84%) et 10 négatives (16%) (figure 6 à 12). C'est un niveau équivalent aux 87% de recommandations positives observées à l'analyse de 433 recommandations toutes pathologies confondues [4].
  • Les recommandations avec au moins deux guidelines concernent :
    • la douleur (figure 6),
    • les arthralgies induites par les anti-aromatases (figure 7),
    • les nausées et vomissements chimio-induits (figure 8),
    • les bouffées de chaleur (figure 9),
    • la fatigue (figure 10),
    • les neuropathies chimio-induites (figure 11),
    • les xérostomies radiques, la dyspnée, l'insomnie, l'anxiété et la dépression (figure 12).
  • Le consensus le plus haut est obtenu sur l'indication de l'acupuncture dans les arthralgies induites par les anti-aromatases (100% de recommandations positives) et le plus faible concerne les bouffées de chaleur (66% de recommandations positives).

Une pratique largement implantée dans les centres anticancéreux américains de référence

Une enquête de 2021 [15] révèle que l’acupuncture est disponible dans 76,5 % des 51 centres de cancer désignés par le NCI (National Cancer Institute - Designated Comprehensive Cancer Centers), des institutions reconnues pour leur expertise et leur rôle en matière d’innovation en oncologie. Ce résultat souligne l’importance accordée à l’acupuncture comme option thérapeutique dans les structures médicales de pointe.

Conclusion

  • L’oncologie illustre de manière exemplaire l’évolution des données cliniques et expérimentales en acupuncture au cours de la dernière décennie.
  • Ces avancées ont conduit à sa reconnaissance progressive, matérialisée par son inclusion dans les guidelines internationaux et son implantation dans les structures de référence en oncologie.

Dr Johan Nguyen

Références

    1. Chen Y, Li M, Guo K. Exploring the mechanisms and current status of acupuncture in alleviating tumor metabolism and associated diseases: Insights from the central nervous system and immune microenvironment. SLAS Technol. 2024 Dec;29(6):100208. https://doi.org/10.1016/j.slast.2024.100208🔓
    2. Guo J, Pei L, Chen L, Chen H, Gu D, Xin C, Peng Y, Sun J. Research Trends of Acupuncture Therapy on Cancer Over the Past Two Decades: A Bibliometric Analysis. Integr Cancer Ther. 2020 Jan-Dec;19:1534735420959442. https://doi.org/10.1177/1534735420959442🔓
    3. Shen J, Wenger N, Glaspy J, Hays RD, Albert PS, Choi C, Shekelle PG. Electroacupuncture for control of myeloablative chemotherapy-induced emesis: A randomized controlled trial. JAMA. 2000 Dec 6;284(21):2755-61. https://doi.org/10.1001/jama.284.21.2755🔓
    4. Nguyen J. Recommandations pour la pratique clinique : 87% en faveur de l’acupuncture. Acupuncture Preuves & Pratiques. Décembre 2024. https://gera.fr/recommandations-pratique-clinique-acupuncture/🔓
    5. Nguyen J, Pernice C, Truong H. Cancer pain. Evidence in Acupuncture. Dec 2024. https://ebm.wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:evaluation:oncologie:03.%20douleur%20en%20oncologie🔓
    6. Nguyen J, Pernice C. Aromatase inhibitor-induced arthralgia. Evidence in Acupuncture. Dec 2024. https://ebm.wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:evaluation:oncologie:04.%20arthralgies%20sous%20anti-aromatases🔓
    7. Nguyen J. Chemotherapy-induced nausea and vomiting. Evidence in Acupuncture. Jun 2024. https://ebm.wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:evaluation:oncologie:04.%20nausees%20et%20vomissements%20chimio-induits🔓
    8. Nguyen J, Pernice C, Truong H. Hot flushes in cancer patient. Evidence in Acupuncture. Dec 2024. https://ebm.wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:evaluation:oncologie:04.%20bouffees%20de%20chaleur%20chez%20le%20patient%20cancereux🔓
    9. Nguyen J. Cancer-Related Fatigue. Evidence in Acupuncture. Dec 2024.https://ebm.wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:evaluation:oncologie:03.%20fatigue%20en%20oncologie🔓
    10. Nguyen J, Pernice C, Truong H. Chemotherapy-Induced Peripheral Neuropathy. Evidence in Acupuncture. Dec 2024. https://ebm.wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:evaluation:oncologie:04.%20neuropathie%20peripherique%20induite%20par%20chimiotherapie🔓
    11. Nguyen J, Bidon S, Truong H. Radiation-Induced Xerostomia. Evidence in Acupuncture. Aug 2024. https://ebm.wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:evaluation:oncologie:03.%20xerostomie%20post-radique🔓
    12. Nguyen J. Cancer-related dyspnea. Evidence in Acupuncture. Dec 2023. https://ebm.wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:evaluation:oncologie:03.%20dyspnee%20chez%20le%20patient%20cancereux🔓
    13. Nguyen J. Cancer-Related Insomnia. Evidence in Acupuncture. Dec 2024. https://ebm.wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:evaluation:oncologie:14.%20insomnies%20chez%20le%20patient%20cancereux🔓
    14. Nguyen J. Anxiety and Depression in Cancer Patients. Evidence in Acupuncture. Dec 2024. https://ebm.wiki-mtc.org/doku.php?id=acupuncture:evaluation:oncologie:14.%20syndrome%20anxio-depressif%20du%20patient%20cancereux🔓
    15. Desai K, Liou K, Liang K, Seluzicki C, Mao JJ. Availability of Integrative Medicine Therapies at National Cancer Institute-Designated Comprehensive Cancer Centers and Community Hospitals. J Altern Complement Med. 2021 Nov;27(11):1011-1013. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC9464366/🔓

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Mots-clés : Acupuncture expérimentale- mécanismes d'action - Oncologie - Recommandation de bonne pratique


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