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121- Quelle est la distance moyenne entre deux points d’acupuncture ?

Quelle est la densité des points d'acupuncture à la surface du corps ? Imaginez que tous les points soient répartis de façon homogène et équidistants les uns des autres, quelle serait la distance entre deux points ? Question équivalente : si chaque point était au centre d'un cercle et que tous les cercles étaient tangentiels, sans chevauchement ni espacement, quelle serait son rayon et sa superficie moyenne ?

Pour répondre à ces questions il faut déterminer 1) le nombre de points à la surface du corps et 2) la superficie du corps.

Le nombre de points d'acupuncture

  • En acupuncture il est identifié 361 points méridiens dont 52 sont médians, ce qui fait au total 670 points méridiens répartis à la surface du corps.
  • Mais un nombre encore plus important de points dits "hors méridiens" [HM] sont décrits, comprenant les points "curieux" décrits dans la littérature classique et les points "nouveaux" décrits à l'époque moderne. Deux grandes sources ont compilé l'ensemble de ces points :
    • Hao Jin Kai qui décrit 588 points HM dans son traité de 1963 [1], chiffre porté à 1007 dans l'édition de 1974, enfin à 1219 dans l'édition de 2012 [2].
    • Li Su Huai qui décrit 1205 points HM dans son traité de 1976 [3]. Nous utiliserons ici cette source.

Li Su Huai décrit ainsi un ensemble de 1566 points (méridiens et hors-méridiens) dont 157 médians ce qui fait au total 2975 points répartis à la surface du corps (tableau 1).

Points d'acupuncturenbre décritsdont médiansTotal à la surface du corps
Points méridiens36152670
Points hors méridiens12051052305
Σ15661572975
Tableau 1. Dénombrement des points d'acupuncture d'après les données de Li Su Huai [3].

La superficie corporelle

  • La surface du corps est, le plus couramment, déterminée par la formule de Du Bois et Du Bois :
  • En France, le sujet moyen mesure 1,72 m et pèse 70 kg, ce qui représente une superficie corporelle moyenne de 1,83m2 .

A partir du nombre de points et de la superficie corporelle, il est possible de déterminer la densité, la distance moyenne entre deux points (inverse de la racine carrée de la densité) et la superficie du cercle centré par le point (tableau 2).

Sujet moyen
(1,72m, 70 kg, 1,83m2 )
2975
points
670
points méridiens
DensitéD = 0,16 point par cm2D = 0,03 point par cm2
Distance moyenne entre deux pointsd = 2,48 cmd = 5,23 cm
Rayon et superficie des cercles tangentiels
centrés par les points
r = 1,24 cm
s = 4,83 cm2
r = 2,61 cm
s = 21,48 cm2
Tableau 2. Les résultats pour un sujet moyen pour l'ensemble des points (n=2975) ou pour les seuls points méridiens (n=670).

Li Su Huai classe les points par région, ce qui permet de déterminer les valeurs régionales (table 3).

Tableau 3. Les chiffres régionaux à partir du pourcentage de la superficie totale de chaque région (règle des neuf).

Le nombre de points

  • Le nombre de points d'acupuncture décrit est très important (n=1566), les points des méridiens (n=361) n'en représentent que 23%.
  • On distingue dans les points hors méridiens (HM) les points "curieux" (PC) décrits dans les classiques de la période impériale et les points "nouveaux" (PN) décrits à l'époque moderne, post-impériale. Dans le Zhenjiu Xue [4] sur 388 points HM décrits, la proportion est de 46 % de PC et 54% de PN. La Chine moderne a donc identifié sur un siècle autant de HM que la Chine impériale en vingt siècles.
  • Dans les 1205 points HM décrits par Li Su Hai sont inclus les points des systèmes holographiques (acupuncture auriculaire, crânienne…). C'est ce qui explique en partie la forte densité observée au niveau de l'extrémité céphalique, 6 fois supérieure à celle observée sur le reste du corps (tableau 3).
  • La multiplication des descriptions fait émerger de nombreuses problématiques concernant :
    • l'imprécision de localisation, qui fait qu'un certain nombre de points décrits sont sans doute superposés.
    • l'imprécision de dénomination, le même point peut être décrit sous différents noms et plusieurs points partagent le même nom.
    • la pertinence même de la description d'un point et la justification clinique de son identification.
  • La question des points hors méridiens de Dong (Tung) est emblématique [5]. Il décrit un vaste système indépendant de près de 740 points se superposant au système classique.
  • D'autres systèmes se superposent également, même s'ils ne correspondent pas obligatoirement à des points à localisation fixe : les points de "dry needling" ou équivalents (trigger points, points ashi…), les points de la technique sous-cutanée de Fu [6]…
  • Cela conduit à une discussion critique [7-10] et à l'élaboration de normes quant à la nomenclature des points hors méridiens [11].

Considérations pratiques

L'analyse de la densité des points à la surface du corps a des implications sur la pratique. Il apparait que :

  • Si on pique un point A avec une erreur 2.48 cm on pique en fait un point B. Si A est un point méridien, avec une erreur 5.23 on pique un autre point méridien.
  • Si on pique un point A avec une erreur 1.24 cm on pique en fait dans le champ d'un point B. Si A est un point méridien avec un erreur de 2.61 cm, on est dans le champ d'un autre point méridien.

Il ne s'agit là, bien sûr, que d'une modélisation grossière destinée à alimenter une réflexion sur le point d'acupuncture.

Un point d'acupuncture est défini par sa localisation qui est un idéal théorique. Cette localisation doit permettre un repérage reproductible c’est-à-dire que les positions d’un même point déterminées par deux opérateurs indépendants doivent être concordantes (reproductibilité inter-opérateurs). De nombreuses études ont examiné la variabilité des localisations entre les praticiens [12-20] et elles montrent globalement des aires de dispersion importantes. Ces aires de dispersion sont représentées par des ellipses dont la superficie varie de 2,7 cm2 à plus de 40 cm2 [17], ce qui correspond à des grands axes de 0,5 cm à plus de 8 cm (figures 1 et 2).

L'aire de dispersion est d'autant plus grande que le point est éloigné de repères anatomiques fixes (plis cutané, structure osseuse…) ce qui parait logique (figure 2). Mais nous avons souligné à propos des points dazhui (14VG) et yaoyangguan (3VG) que la localisation de ces repères anatomiques était elle-même problématique [21].

Dans la plupart des études l'aire de dispersion n'est pas corrélée à l'expérience du praticien. C'est à dire que dans les conditions usuelles de pratique il existe pour chaque point un coefficient de dispersion irréductible (figure 2).

Figure 1. Localisation du 10GI par 30 médecins acupuncteurs. (A). Ellipse de dispersion d'un grand axe de 8,45 cm et d'une aire de 44,49cm2. (B). Représentation 3D des localisations [16].
Figure 2. Aire de dispersion des localisations de 23 points par 70 praticiens, de 2,7 cm2 pour le 6MC à 41,4cm2 pour le 38E. Seuls 4 points ont une aire de dispersion < 4,83 cm2 (superficie moyenne pour 2975 points). En vert les points avec une aire de dispersion > 21,48 cm2 (superficie moyenne pour 670 points méridiens). D'après Molsberger 2012 [17].

Considérations théoriques sur le point d'acupuncture

Une zone centrée par un point.

  • La pratique est contrainte par la précision avec laquelle un point peut être localisé. De fait, une précision millimétrique stricte ne parait pas une condition unique et nécessaire à l'obtention de résultats thérapeutiques. Cela a conduit à penser le point d'acupuncture non comme une simple entité ponctuelle mais comme une zone, un champ [17] ou une micro-région pouvant s'étendre de plusieurs millimètres à plusieurs centimètres. En 1951, Zhu Lian énonçait déjà, dans son traité princeps, que la taille d'un point d'acupuncture était celle d'un haricot blanc, proposant ainsi la notion d'une zone élargie (et elliptique) d'action thérapeutique [22].
  • Mais, même en acceptant cette notion de zone, la définition théorique d'un point précis demeure indispensable, c'est la seule façon de réduire la dispersion des localisations. Le point reste ainsi une référence topographique incontournable pour guider la pratique.
  • Les limites de la précision de localisation pourraient également être compensées par une diffusion de la stimulation au-delà de la zone de puncture, atteignant ainsi ce qui serait l'élément cible. Cela pourrait être l'objectif de la recherche du deqi et des manipulations d'aiguille.
  • De même on peut imaginer le point d'acupuncture comme une structure concentrique, avec un centre où l’effet est optimal, entouré d’une zone périphérique où l’effet, tout en restant notable, diminue progressivement selon un gradient.
  • Enfin des données cliniques suggèrent que la surface et la réceptivité de la zone varient en fonction de la personne, de son état physiologique ou pathologique, illustrant ainsi une certaine variabilité contextuelle.

Une matrice de points en continuité

  • La forte densité des points décrits à la surface du corps, le chevauchement des systèmes comme l'irréductible imprécision de leur localisation clinique rend problématique la discrimination entre deux points d'acupuncture. Il devient difficile d'envisager les points comme des entités distinctes et circonscrites, réparties à la surface du corps.
  • Cela suggère une autre lecture topographique avec une inversion de la problématique. Le modèle le plus approprié serait de considérer l'ensemble de la surface du corps comme une entité unique, partout stimulable (en chacun de ses points millimétriques), avec partout l'induction potentielle d'un effet physiologique. En fonction de sa position topographique, chaque point millimétrique a une sphère d'action et une intensité d'action. Plus ces unités élémentaires sont topographiquement proches et plus leur sphère d'action et leur intensité d'action sont proches.
  • Sur cette matrice les points d'acupuncture sont alors l'identification empirique de "foyers" de points millimétriques dont la stimulation entraine un effet thérapeutique observable dans un champ d'indications définies.
  • On conçoit très bien que placés dans des contextes médicaux différents à des époques différentes les praticiens ont pu identifier des points, puis en identifier d'autres et d'autres encore, tout en les systématisant de diverses façons sur la base de considérations théoriques ou cliniques variables. Cette évolution constante a conduit à la situation actuelle.
  • Ce modèle met à distance les points de vue théoriques, chaque point étant in fine défini par la réalité de son action clinique et biologique, non par le système auquel il appartient.

La fausse acupuncture

  • La fausse acupuncture qui utilise un non-point d'acupuncture est problématique.
  • Un non-point d'acupuncture n'est pas un point dont la stimulation n'a pas d'effet, mais un point dont la stimulation a un effet de nature et d'intensité indéterminés. Il doit être considéré comme un placebo impur, ce qui a pour conséquence de minimiser, dans les comparaisons, l'amplitude de l'effet spécifique de l'acupuncture.

Points clés

  • 1566 points d'acupuncture sont décrits, soit 2975 points répartis à la surface du corps.
  • La précision de localisation clinique d'un point d'acupuncture est obligatoirement limitée.
  • La densité des points et l'imprécision de leur localisation rendent problématique la discrimination entre deux points d'acupuncture.
  • La réponse réside dans une modélisation pragmatique détachée des concepts théoriques.
  • Le point d'acupuncture peut être envisagé comme un "foyer" sur une matrice stimulable partout sur le corps.

Dr Johan Nguyen et Dr Claude Pernice

Références

  1. Hao Jinkai. Zhenjiu Jingwai Qixue Tupu [Atlas of Extrachannel Acupuncture Points, Volumes I and II]. Shaanxi People’s Publishing House. 1963.
  2. Liu Q, Liu M. Atlas of the extraordinary acupoints (Revised edition). Jinkai Hao. editor. Cardiovasc Diagn Ther. 2012 Mar;2(1):78–9. |doi| 🔓
  3. Li Su Huai. Points 2001. Taipei: China Acupuncture and Moxibustion Supplies. 1976.
  4. Shanghai college of TCM. Zhenjiu Xue. Beijing: People ‘s Health Publishing House. 1974.
  5. Zuo C-B. Chinese Dong’s extra acupoints. World J Acupunct Moxibustion. 2007;17(4):40.
  6. Goret O, Nguyen J. Traitement de l’épicondylite par la puncture sous-cutanée de Fu. Acupuncture Preuves & Pratiques. Janvier 2023. |URL| 🔓
  7. Zhu CH, Meng XW, Piao SA, Zhang X, Guo Y, LI GL, Chen ZL. [Discussion on necessity of standardization for nomenclature and location of extraordinary acupoints]. Chinese Acupuncture and Moxibustion. 2013;33(4):321-3.
  8. Zhang WM. Opinion on the naming, location, and channel assignment of new acupoints. Chinese Acupuncture & Moxibustion. 1982;34(82).
  9. Li BJ, Chen JP, Xu RB, Liang JY, Shi XX, Kong WZ, Ma HF, Li R, Liu CZ. Research on the theoretical framework and standardization of extra points. Chinese Journal of Traditional Chinese Medicine. 2023;38(3):1305-1312.
  10. Huang LX, Huang YM. Research on the mistakes and confusion in contemporary literature on extra-meridian points. Chinese Acupuncture & Moxibustion. 2013;33(6):519-523.
  11. Name and Location of Extra Acupoints. GB/T 40997-2021. Beijing: State Administration for Market Regulation, Standardization Administration of the People’s Republic of China; Published November 26, 2021.
  12. Aird M, Coyle M, Cobbin DM, Zaslawski C. A study of the comparative accuracy of two methods of locating acupuncture points. Acupunct Med. 2000;18(1):15-21.
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  21. Mise en question des localisations de dazhui (14VG) et yaoyangguan (3VG). |URL|
  22. Zhu L. Xin Zhenjiuxue [New Science of Acupuncture and Moxibustion]. Beijing: Renmin Weisheng Chubanshe; 1951.
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Mots-clés : Points


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