En 2012, quatre tombes de la dynastie Han ont été découvertes à Laoguanshan (à proximité de la ville de Chengdu, Sichuan). Elles sont datées entre 156 et 87 av. J.-C. A l’intérieur de la tombe M3 se trouvait une petite figurine laquée sur laquelle étaient gravées des lignes blanches, et des lignes rouges peintes.
Ces tracés ont été rapidement interprétés comme une représentation des méridiens. Autre élément remarquable de la figurine est la présence d'une centaine de points qui en fait à ce jour la plus ancienne représentation de points d'acupuncture. Des caractères sont également gravés (figure 2 [1]).
Les méridiens
La figurine comporte 33 lignes blanches gravées et 22 lignes rouges peintes. Les lignes blanches se décomposent en 29 longitudinales, 3 transverses et une en U inversé. Une longitudinale est antéro-médiane et correspond au trajet du VC. Une équipe de l’Université de Chengdu a analysé en détail les 28 autres lignes blanches longitudinales et conclut à une grande similarité avec les trajets connus des douze méridiens principaux (Cheng 2022 [2]).
Comparaison aux données actuellement connues sur les trajets des méridiens
Les auteurs comparent les trajets observés sur la figurine de Laoguanshan aux données actuelles considérées comme établies à partir du huangdi neijing (daté entre 197 av. J.-C et 25 ap. J.-C.), mais également à d'autres données issues de différentes découvertes archéologiques :
- les deux traités sur les méridiens découverts à Mawangdui en 1972 : le zubi shiyi maijiu jing (足臂十一脉灸经, Classique de moxibustion des onze méridiens des bras et des jambes) et le yinyang shiyi maijiu jing (阴阳十一脉灸经, Classique de moxibustion des onze méridiens yin et yang) datés avant 168 av. J.-C. (fig. 4).
- Le maishu (脈書) traité sur lamelles de bambous de la tombe de Zhangjiashan (Hubei) découverte en 1983, datée entre 196 et 186 av. J.-C. (fig. 4).
- la figurine de bois laqué de la tombe 2 de Shuangbaoshan (Mianyang, Sichuan) découverte en 1992, et datée avant 157 av. J.-C. Fig. 5).
Le nombre de méridiens
La figurine décrit le trajet de 12 méridiens comme le huangdi neijing, alors que :
- les deux traités de Mawangdui n'en décrivent que 11 avec l'absence du jueyin de la main.
- la figurine de Shuangbaoshan n'en décrit que 9 avec l'absence des trois yin du pied.
Leur direction
Sur la base de textes sur lamelles de bambou, également découverts dans la tombe de Laoguanshan, les auteurs en déduisent que les méridiens sont centripètes [2] :
- Ce qui est concordant avec les descriptions des traités de Mawangdui (sauf deux méridiens dans le yinyang shiyi maijiu jing) ,
- également avec le maishu de Zhangjiashan,
- mais bien sûr discordant avec le caractère successivement centrifuge et centripète de la description du huangdi neijing (tableau 1).
Leurs branches
12 branches de méridiens sont identifiées sur la figurine, ce qui est à mettre en relation avec :
- L'absence de branche dans le yinyang shiyi maijiu jing de Mawangdui
- 4 branches dans le zubi shiyi maijiu jing de Mawangdui.
- 4 branches sur la figurine de Shuangbaoshan
- 23 branches dans le neijing suwen.
La figurine de Laoguanshan a donc une complexité intermédiaire entre le neijing et les autres descriptions.
Leurs extrémités
L'origine et la terminaison des méridiens dans les différentes sources sont rapportées dans le tableau 1. Ne sont pas décrites les données de la figurine de Shuangbaoshan dans la mesure où les extrémités des membres inférieurs et du membre supérieur gauche sont manquants (fig. 5).
Dans la figurine de Laoguanshan, tous les méridiens ont une origine digitale (doigt ou orteil) à l'exception du jueyin de la main dont l'origine est située au niveau du poignet. Alors que :
- seuls 2 méridiens dans le yinyang shiyi maijiu jing et 5 dans le zubi shiyi maijiu jing (sur 11) ont une origine digitale (doigts ou des orteils), les autres ayant une origine plus proximale.
- tous les méridiens ont une origine ou une terminaison digitale dans le huangdi neijing (tableau 1).
Conclusions
En se basant sur le nombre de méridien, leur direction, leur origine ou terminaison, le nombre de leurs branches, les auteurs concluent que la figurine de Laoguanshan représente une étape intermédiaire entre une forme primitive du système des méridiens tel qu'il est décrit dans les manuscrits de Mawangdui et la représentation actuelle considérée comme établie à partir du huangdi neijing.
Cela confirme si besoin était que les théories de la médecine chinoise ne constituent pas un ensemble figé, établi depuis la nuit des temps. Au contraire, on observe des évolutions, particulièrement notables au cours du IIème siècle av. J.-C. (Dynastie des Han antérieurs).
Dr Claude Pernice et Dr Johan Nguyen
Références
- Liang F, Zeng Fang, Zhou X, Xie T, Lu Y, Wang Y, Jiang Zh. [Preliminary study on lacquer figure with meridian-points marked of the western han dynasty unearthed in Laoguanshan, Chengdu]. Chinese Acupuncture and Moxibustion. 2015;35(1):91-3. [182949].
- Cheng Shi-rui, Zhou Xing-lan, Qiu Ke et al. The meridian distribution on the lacquer figure unearthed in the Han dynasty tomb in Chengdu laoguanshan. World Journal of Acupuncture – Moxibustion. 2022;32(1):40-8. [221408]. |doi|
- Liang Fanrong et al. [Understanding early meridian theory from lacquer sculpture of the human body in the western han dynasty]. Chinese Acupuncture and Moxibustion. 1996;16(4):49. [85771].
- Lo V. Discussions with Vivienne Lo : recent medical discoveries in the early tombs of China. Journal of Chinese Medicine. 1998;56:27-31. [57783].