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188- La fausse acupuncture est-elle un contrôle inerte ?

Luo XC1, Liu JL1, Yao MH1, Chen YM2, Fan AY3, Liang FR4, Zhao JP5, Zhao L4, Zhou X6, Zhong XY7, Yang JH8, Li B9, Zhang Y,10 Sun X1,11, Li L1,12. Specific effect of inserted sham acupuncture and its impact on the estimation of acupuncture treatment effect in randomized controlled trials: A systematic survey. J Integr Med. 2025 Jul 30:S2095-4964(25)00113-X. [1]
1Institute of Integrated Traditional Chinese and Western Medicine and Chinese Evidence-based Medicine Center, Cochrane China Center and MAGIC China Center, West China Hospital, Sichuan University, Chengdu 610041 Sichuan Province, China; NMPA Key Laboratory for Real-world Data Research and Evaluation in Hainan, Chengdu 610041 Sichuan Province, China; Sichuan Center of Technology Innovation for Real-world Data, Chengdu 610041 Sichuan Province, China.
2New York College of Traditional Chinese Medicine, Mineola, NY 11501, USA.
3McLean Center for Complementary and Alternative Medicine, PLC, Vienna, VA 22182, USA.
4Acupuncture and Tuina School, Chengdu University of Traditional Chinese Medicine, Chengdu 611137 Sichuan Province, China.
5Department of Acupuncture and Moxibustion, Dongzhimen Hospital, Beijing University of Chinese Medicine, Beijing 100700, China.
6Evidence-based Medicine Research Center, School of Basic Science, Jiangxi University of Traditional Chinese Medicine, Nanchang 330004 Jiangxi Province, China.
7Key Laboratory of Chinese Internal Medicine of Ministry of Education, Dongzhimen Hospital, Beijing University of Chinese Medicine, Beijing 100700, China.
8College of Acupuncture and Massage, Jiangxi University of Traditional Chinese Medicine, Nanchang 330004 Jiangxi Province, China.
9First Teaching Hospital of Tianjin University of Traditional Chinese Medicine, Tianjin 300381, China; National Clinical Research Center for Chinese Medicine Acupuncture and Moxibustion, Tianjin 300381, China.
10Department of Oncology, Guang'anmen Hospital, China Academy of Chinese Medical Sciences, Beijing 100053, China.
11Department of Epidemiology and Biostatistics, West China School of Public Health and West China Fourth Hospital, Sichuan University, Chengdu 610041 Sichuan Province, China.
12Department of Health Research Methods, Evidence and Impact, McMaster University, Hamilton, ON L8S 4K1, Canada.

Contexte

Dans les essais contrôlés randomisés évaluant l’acupuncture, on utilise comme contrôle placebo une fausse acupuncture. Celle-ci peut prendre deux formes : non pénétrante (par exemple avec des dispositifs comme les aiguilles de Streitberger ou de Park) ou pénétrante avec effraction cutanée (puncture superficielle ou puncture sur des non-points). La question de savoir si une fausse acupuncture pénétrante peut réellement être considérée comme physiologiquement neutre fait débat. Si elle ne l’était pas, elle pourrait fausser l’estimation de l’efficacité réelle de l’acupuncture et amener à conclure à tort que l’acupuncture n’est pas plus efficace qu’un placebo.

Objectif

L’étude vise à déterminer si une fausse acupuncture pénétrante génère un effet propre. Elle cherche ensuite à en mesurer l’ampleur et à évaluer dans quelle mesure cet effet modifie l’estimation de l’effet spécifique de l’acupuncture réelle dans les essais contrôlés randomisés.

Méthode

Les auteurs réalisent une revue systématique des essais contrôlés randomisés publiés jusqu’en décembre 2022. Les études doivent être publiées en anglais et rapporter au moins un critère de jugement continu, condition nécessaire pour estimer la taille d’effet et permettre les comparaisons quantitatives.

Seuls les essais comportant trois bras sont inclus :

  • un groupe recevant l’acupuncture réelle,
  • un groupe recevant une fausse acupuncture (pénétrante ou non pénétrante),
  • un groupe sans intervention (liste d’attente).

Cette structure à trois bras est indispensable pour décomposer l’effet global de l’acupuncture en ses différentes composantes : évolution naturelle, effet placebo, effet spécifique et, le cas échéant, effet propre de la puncture.

Trois rapports permettent de quantifier ces composantes :

  • l’évolution naturelle (PNE, Proportion of Natural history/Regression to the Mean Effect) (▶1), rapport entre l’effet du groupe sans traitement et celui de l’acupuncture réelle ;
Évolution naturelle, régression à la moyenne et effet Hawthorne

Sous le terme d’« évolution naturelle », il est regroupé ici trois facteurs distincts qui peuvent intervenir au cours d’un essai clinique et contribuer à l’amélioration observée chez les participants.

Évolution naturelle : tendance spontanée de nombreuses maladies ou symptômes à s’améliorer avec le temps, indépendamment de toute intervention thérapeutique.
Régression à la moyenne : retour progressif de valeurs extrêmes (par exemple un pic de douleur) vers la moyenne lors des mesures suivantes, donnant l’impression d’une amélioration.
Effet Hawthorne : amélioration liée au simple fait de participer à une étude clinique. Le patient, sachant qu’il est observé et suivi, modifie son comportement, accorde plus d’attention à sa santé ou ressent un bénéfice lié à l’attention portée par les chercheurs.
  • l’effet contextuel (PCE, Proportional Contextual Effect), rapport entre l’effet du groupe recevant une fausse acupuncture et celui de l’acupuncture réelle ;
  • l’effet propre lié à la pénétration dans la fausse acupuncture pénétrante (PIES, Proportion of Insert-specific Effect of Sham acupuncture), calculé en retranchant de l’effet contextuel la part attribuable à l’évolution naturelle et à l’effet placebo. Le calcul repose sur deux hypothèses : la fausse acupuncture non pénétrante n’a pas d’effet propre, et l’effet placebo est le même quelle que soit la modalité de fausse acupuncture.

Figure 1. Composantes de l’effet global de l’acupuncture (Luo XC et al., 2025).

Ce schéma illustre la décomposition de l’effet total de l’acupuncture en plusieurs composantes. Le groupe sans traitement (no-treatment group) permet d’isoler l’évolution naturelle (natural history/regression to the mean effect, PNE). Le groupe recevant une fausse acupuncture non pénétrante (non-inserted sham acupuncture group) sert de référence pour définir l’effet placebo (placebo effect). Lorsque la fausse acupuncture est pénétrante (inserted sham acupuncture group) elle introduit en plus un effet propre de la pénétration de l’aiguille (insert-specific effect of sham acupuncture, PIES) qui masque une partie de l’effet spécifique de l’acupuncture réelle (specific effect).

Les auteurs complètent leur démarche par des analyses d’hétérogénéité, ainsi que des analyses de sous-groupes et de sensibilité, afin de tester la robustesse des résultats. Ils examinent enfin dans quelle mesure l’effet propre de la puncture influence la significativité des résultats.

Résultats

Au total, 32 essais contrôlés randomisés sont inclus (5492 patients), 20 avec fausse acupuncture pénétrante et 12 avec acupuncture non pénétrante. Les pathologies étudiées sont avec une prédominance des affections douloureuses.

Évolution naturelle et effet contextuel

Dans l’analyse globale portant sur les 32 essais l’évolution naturelle représente 33,5 % de l’effet total de l’acupuncture. L’effet contextuel est estimé à 63,9 %. Par différence l’effet spécifique de l’acupuncture correspond à 36,1 %.

Il n’y a pas de différence significative de l’évolution naturelle entre le groupe fausse acupuncture non pénétrante (35,0 %) et le groupe fausse acupuncture pénétrante (32,1 %). En revanche l’effet contextuel est plus élevé dans le groupe fausse acupuncture pénétrante (66,6 %) que dans le groupe fausse acupuncture non pénétrante (54,1 %). Cette différence est attribuable à l’effet propre de la puncture (PIES) illustré dans la Figure 2.

Effet placebo

L’effet placebo ne peut être déterminé qu’à partir des 12 essais randomisés utilisant un groupe fausse acupuncture non pénétrante. Il correspond à la différence entre l’effet contextuel (54,6 %) et l’évolution naturelle (35,5 %) soit 19,1 % de l’effet total de l’acupuncture. Dans le groupe fausse acupuncture pénétrante, l’effet placebo et l’effet propre de la puncture se confondent au sein de l’effet contextuel global.

Effet propre lié à la pénétration de l'aiguille

Il est déterminé à partir des 20 essais contrôlés randomisés comportant un bras fausse acupuncture pénétrante. Dans ce sous-groupe l’évolution naturelle représente 32,1 % de l’effet total et l’effet contextuel 70,1 %. En conservant l’effet placebo défini à 19,1 % (résultat précédent), l’effet propre de la pénétration est calculé à 18,9 % de l’effet total (figure 2).

Impact de l'effet propre lié à la pénétration de l'aiguille

Cet effet propre, estimé à 18,9 % de l’effet total, réduit d’autant l’effet spécifique apparent de l’acupuncture lorsque le comparateur est une fausse acupuncture pénétrante. En d’autres termes, des essais qui auraient montré une différence significative avec un placebo inactif (fausse acupuncture non pénétrante) peuvent apparaitre comme non significatifs lorsqu’ils utilisent un placebo actif (fausse acupuncture pénétrante).

Ce biais est mis en évidence par une analyse interne portant sur 11 essais inclus rapportés comme non significatifs (absence de différence entre acupuncture réelle et fausse acupuncture pénétrante). Après correction, en soustrayant l’effet propre de la pénétration, 5 essais sur 11 (45,5 %) apparaissent alors comme statistiquement significatifs en faveur de l’acupuncture.

Une analyse externe, menée sur 22 autres essais utilisant comme contrôle une fausse acupuncture pénétrante mais non inclus dans l’analyse principale car limités à deux bras, confirme cette distorsion : 9 sur 22 (40,9 %) passent de non significatifs à significatifs après application d'une correction.

Figure 2. Détermination de l'effet propre lié à la pénétration dans la fausse acupuncture pénétrante (insert-specific effect of sham acupuncture, PIES) (Luo XC et al., 2025).

Dans le cas des fausses aiguilles non pénétrantes l’effet propre du dispositif est fixé à zéro. L’effet spécifique de l’acupuncture représente 45,4 % de l’effet global, une proportion obtenue en soustrayant l’effet placebo (19,1 %) et l’évolution naturelle (35,5 %). L’ensemble placebo + PNE constitue l’effet contextuel, qui atteint 54 % de l’effet global.

Dans le cas des aiguilles pénétrantes un effet propre lié à la pénétration d'une aiguille (insert-specific effect of sham acupuncture, PIES) est mis en évidence. Il représente 18,9 % de l’effet global tandis que l’effet spécifique de l’acupuncture est réduit à 29,9 %. L’effet contextuel (placebo + PNE + PIES) atteint alors 70,1 % de l’effet global. L’effet placebo est considéré équivalent au groupe fausses aiguilles non pénétrantes (19,1 %).

Conclusions des auteurs

La fausse acupuncture avec pénétration ne correspond pas à un placebo inerte et produit un effet propre mesurable. Ce facteur conduit à une sous-estimation de l’effet spécifique de l’acupuncture.

Contexte institutionnel de l'étude

Les chercheurs sont rattachés à un ensemble d’institutions clés dédiées à la recherche clinique et à l'évaluation médicale. L’affiliation principale est le Chinese Evidence-Based Medicine Center (CEBM) du West China Hospital, Sichuan University (Chengdu). Ce centre, référence nationale en méthodologie des essais cliniques, inclut le Cochrane China Center, partie prenante du réseau international Cochrane.

À cela s’ajoutent :

  • le MAGIC China Center, spécialisé dans l’élaboration de recommandations cliniques,
  • le NMPA Key Laboratory for Real-World Data Research and Evaluation, rattaché à l’Agence nationale du médicament et centré sur l’analyse des données en vie réelle,
  • le Sichuan Center of Technology Innovation for Real-World Data, plateforme régionale dédiée à l’innovation méthodologique et aux données massives en santé,
  • le Department of Health Research Methods, Evidence and Impact (HEI), McMaster University (Canada), département de renommée mondiale et pionnier de la médecine fondée sur les preuves.

Impact de l’étude sur l’évaluation de l’acupuncture

Les données de cette méta-analyse apparaissent solides, portées par une majorité d’essais de bonne qualité méthodologique et une approche innovante permettant d’affiner l’estimation de l’effet spécifique de l’acupuncture.

Les auteurs montrent que l’utilisation comme contrôle d'une fausse acupuncture pénétrante conduit près de 40 % des essais cliniques initialement jugés négatifs à apparaître comme positifs si l’on neutralise l'effet propre de la pénétration. Cet impact ne reste pas limité au niveau des essais : il s’étend aux revues systématiques qui agrègent ces données en affectant non seulement la significativité statistique mais aussi l’évaluation de la pertinence clinique.

Ce biais se trouve amplifié par le fait que plus de la moitié des essais cliniques publiés utilisent ce type de contrôle. Il doit donc être systématiquement pris en compte dans l’interprétation des essais et des revues de synthèse sur l’acupuncture.

Enjeux méthodologiques de la fausse acupuncture

Dans la définition de la fausse acupuncture deux paramètres doivent être distingués : la localisation (point d’acupuncture ou non-point) et l’effraction cutanée (pénétration ou non-pénétration). Leur combinaison conduit à quatre grands sous-types théoriques : 1) acupoint avec pénétration, 2) acupoint sans pénétration, 3) non-point avec pénétration, 4) non-point sans pénétration (figure 3).

Figure 3. Classification des types de fausse acupuncture.

Deux paramètres constamment associés — la localisation (acupoint ou non-point) et le dispositif (pénétrant ou non-pénétrant) — permettent de distinguer quatre grands types de fausse acupuncture, chaque configuration pouvant se décliner en sous-types. Ils ne peuvent pas être considérés comme équivalents : chacun est susceptible d’induire des effets propres et des effets placebo distincts, selon la modalité employée. Même si l’objectif affiché est de tester l’effet spécifique de l’acupuncture, certains types de fausse acupuncture répondent en réalité à d’autres questions. Ainsi, piquer le 36E ou 2 cm en dehors revient à s’interroger sur la surface effective du point, tandis que comparer une puncture superficielle à une puncture profonde revient à examiner la profondeur optimale de la stimulation, et non l’effet spécifique.


Figure 4. La fausse acupuncture vidéo (phantom acupuncture) (Lee IS et al., 2014).

Le patient, allongé et sans vision directe du champ opératoire, fixe un écran vidéo au plafond. La figure de gauche montre la procédure d’acupuncture réelle : l’aiguille est effectivement insérée au 6MC et l’image retransmise en direct sur l’écran. La figure de droite illustre la « fausse acupuncture vidéo » : aucune aiguille n’est insérée, le patient visionne la retransmission d’une séquence préalablement enregistrée sur lui-même, créant une illusion visuelle de puncture. Ce protocole a été conçu pour dissocier les composantes somatosensorielles des composantes cognitives et affectives de l’acupuncture et témoigne du haut degré de sophistication atteint par les dispositifs de fausse acupuncture.

Dans l'étude, les auteurs analysent uniquement le paramètre pénétration, sans tenir compte de la localisation, qu’il s’agisse d’un acupoint ou d’un non-point. Inversement Lee et al. (2023) [2] ont réalisé une méta-analyse en réseau sur la lombalgie chronique (10 essais randomisés) en se concentrant exclusivement sur la localisation, sans prendre en compte la pénétration ou non. Ils ont montré que la fausse acupuncture appliquée sur des points d’acupuncture induit un effet supérieur à celle sur des non-points.

Une analyse croisée des deux dimensions — localisation et pénétration — est donc nécessaire afin de mieux caractériser les différents effets propres à chacun de ces sous-types de fausse acupuncture et d’affiner l’interprétation des essais contrôlés.

Dans cette optique, une méta-analyse en réseau (Yu et al., 2023 [3], 42 essais randomisés sur les douleurs musculosquelettiques chroniques) apporte un premier éclairage. Elle montre que les différentes formes de fausse acupuncture ne sont pas équivalentes et qu’elles induisent des réponses hiérarchisées : la pénétration sur non-point provoque les effets les plus marqués, devant la non-pénétration sur acupoint, puis la non-pénétration sur non-point.

Ces éléments sont confirmés et précisés dans une autre revue systématique très récemment publiée (Wan RH et al. 2025 [6]) portant sur 45 ECR dans la douleur chronique. Les modalités de fausse acupuncture sont ainsi classées des plus actives au moins actives :

  1. fausse acupuncture pénétrante (superficielle) sur acupoint
  2. fausse acupuncture pénétrante (profonde) sur non-point
  3. fausse acupuncture pénétrante (superficielle) sur non-point.
  4. fausse acupuncture non pénétrante sur non-point
  5. fausse acupuncture non pénétrante sur acupoint

L’activité d’un contrôle semble résulter, de manière logique, de la présence d’au moins un des deux paramètres : pénétration cutanée ou acupoint.

Placebos : définitions
(adapté de Kaptchuk TJ et al. 2020)

Placebos : comprimés composés de substances inertes (par ex. cellulose microcristalline) ou procédures simulées sans effet direct sur la physiopathologie.

Contrôles placebo : traitements simulés (comprimés ou procédures) conçus pour paraître indiscernables de l’intervention étudiée tout en étant dépourvus des propriétés supposées thérapeutiques.

Effets placebo : résultats cliniques bénéfiques que les patients retirent de leur participation aux rituels, symboles et comportements du traitement médical. Cette définition descriptive évite toute inférence prématurée sur les mécanismes supposés. Elle évite aussi l’idée oxymorique d’une « substance inerte » produisant un soulagement.

Effet contextuel (réponse placebo) : résultats observés avec des contrôles placebo dans les essais contrôlés randomisés. Ils englobent à la fois les effets placebo proprement dits et d’autres composantes non spécifiques telles que la régression vers la moyenne, l’amélioration spontanée, l’histoire naturelle de la maladie, ainsi que, parfois mentionné, l’effet des co-thérapies.

Traitement placebo : terme englobant les modalités d’administration d’un placebo, soit à l’insu du patient (incertitude : il sait que le traitement ou le placebo lui sont attribués au hasard ; tromperie : il croit recevoir le traitement), soit en toute transparence (il sait qu’il prend un placebo, « open label »).

Fausse acupuncture : « sham acupuncture » est le terme consacré dans la littérature scientifique internationale pour désigner une procédure utilisée comme contrôle placebo dans les essais cliniques. L’expression « acupuncture placebo » est évitée, car pouvant évoquer un dispositif inactif, alors que la question est ouverte et constitue la principale difficulté méthodologique.

Acupuncture et placebo : un renversement historique

Au cœur de toutes les controverses relatives à l’acupuncture se trouve l’affirmation récurrente, depuis des décennies, de l’absence d’effet au-delà du placebo. On parle ainsi couramment, à son propos, d’un « placebo optimisé », d’un « super placebo » ou d’un « placebo théâtralisé » fondé sur un rituel exotique et la croyance du patient. Dans le cadre de ces controverses, l’acupuncture en est venue à être présentée, aux côtés de l’homéopathie, comme le paradigme de l’effet placebo.

Le renversement est que, de symbole de l’effet placebo, l’acupuncture est aujourd’hui, en 2025, la thérapeutique non médicamenteuse dont l’efficacité spécifique est la mieux documentée, appuyée sur un corpus solide de données probantes et couvrant le champ d’indications le plus vaste¹. Cette évolution est confortée par un important ensemble d’études expérimentales qui en précisent les mécanismes d’action, affirmant ainsi sa crédibilité biologique.

Plus encore, l’acupuncture a joué un rôle moteur dans l’approche méthodologique de la frontière entre les effets spécifiques et les effets contextuels des thérapeutiques. Elle a nourri une réflexion théorique et a élaboré un ensemble de dispositifs expérimentaux sophistiqués, traduisant une exigence et une dynamique dans la recherche clinique sans équivalent dans les autres approches non médicamenteuses.

¹ Nous parlons bien ici de la mise en évidence d’un effet spécifique pour les thérapeutiques non médicamenteuses, dans le cadre d'une évaluation contre une intervention factice crédible et selon les mêmes règles et exigences que celles appliquées à l’acupuncture.

L’étude montre que la fausse acupuncture pénétrante possède un effet propre et ne peut être considérée comme un contrôle inerte. Cet effet représente environ 20 % de l’effet global, réduisant d’autant l’ampleur de l’effet spécifique de l’acupuncture.

Si ce biais était pris en compte près de 40 % des essais cliniques négatifs utilisant ce type de contrôle aboutiraient à une conclusion inverse. En cascade, il en résulte une sous-évaluation de l’effet spécifique de l’acupuncture dans les revues systématiques et méta-analyses qui les intègrent.

Ces résultats constituent un élément important à prendre en compte dans toute évaluation de l’acupuncture.

Dr Johan Nguyen et Dr Olivier Goret

Références

  1. Luo XC, Liu JL, Yao MH, Chen YM, Fan AY, Liang FR, Zhao JP, Zhao L, Zhou X, Zhong XY, Yang JH, Li B, Zhang Y, Sun X, Li L. Specific effect of inserted sham acupuncture and its impact on the estimation of acupuncture treatment effect in randomized controlled trials: A systematic survey. J Integr Med. 2025 Jul 30:S2095-4964(25)00113-X. https://doi.org/10.1016/j.joim.2025.07.011
  2. Lee B, Kwon CY, Lee HW, Nielsen A, Wieland LS, Kim TH, Birch S, Alraek T, Lee MS. Needling Point Location Used in Sham Acupuncture for Chronic Nonspecific Low Back Pain: A Systematic Review and Network Meta-Analysis. JAMA Netw Open. 2023 Sep 5;6(9):e2332452. https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2023.32452 🔓
  3. Yu C, Zhang R, Shen B, Li X, Fang Y, Jiang Y, Jian G. Effects of sham acupuncture for chronic musculoskeletal pain syndrome: A systematic review and network meta-analysis of randomized controlled trials. Medicine (Baltimore). 2023 Nov 17;102(46):e35275. https://doi.org/10.1097/md.0000000000035275 🔓
  4. Lee J, Napadow V, Kim J, Lee S, Choi W, Kaptchuk TJ, Park K. Phantom acupuncture: dissociating somatosensory and cognitive/affective components of acupuncture stimulation with a novel form of placebo acupuncture. PLoS One. 2014 Aug 7;9(8):e104582. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0104582 🔓
  5. Kaptchuk TJ, Hemond CC, Miller FG. Placebos in chronic pain: evidence, theory, ethics, and use in clinical practice. BMJ. 2020 Jul 20;370:m1668. https://doi.org/10.1136/bmj.m1668
  6. Wan R, Zheng Q, Zeng X, Luo Y, Sun L, Chen S, Luo F, Zhang Y, Zhu Z, Chen X, Zhao Y, Li Y. Differential placebo effect of sham acupuncture for chronic pain: a network meta-analysis of randomized controlled trials. BMC Complement Med Ther. 2025 Sep 1;25(1):323. https://doi.org/10.1186/s12906-025-05055-x 🔓

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Mots-clés : Evaluation- méthodologie


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