
Étude de cohorte
Hwang YC, Lee J, Kang D, Lee HG, Kwon S, Cho SY, Park SU, Jung WS, Moon SK, Park JM, Leem J, Ko CN. A nationwide retrospective cohort study of the association between acupuncture exposure and clinical outcomes of idiopathic Parkinson's disease using health insurance claim data in South Korea. Integr Med Res. 2025 Jun;14(2):101146. [1] |
2Data Science Team, Hanmi Pharm. Co., Ltd, Seoul, Korea.
3Department of Cardiology and Neurology, Kyung Hee University College of Korean Medicine, Kyung Hee University Medical Center, Seoul, Korea.
4Stroke and Neurological Disorders Center, Kyung Hee University College of Korean Medicine, Kyung Hee University Hospital at Gangdong, Seoul, Korea.
5Department of Il-won Integrated Medicine, Wonkwang University Korean Medicine Hospital, Iksan, Korea.
6Research Center of Traditional Korean Medicine, College of Korean Medicine, Wonkwang University, Iksan, Korea.
L'étude
Objectif
Évaluer l’effet de l’exposition à l’acupuncture sur la mortalité, les causes de décès et le pronostic clinique de la maladie de Parkinson idiopathique (IPD) à partir des données coréennes d’assurance maladie.
Type d’étude
Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective menée à l’échelle nationale à partir des données du National Health Insurance Service (NHIS) en Corée du Sud. Cette base couvre l’ensemble de la population coréenne et fournit des données détaillées sur les diagnostics, les soins, les actes médicaux remboursés et les caractéristiques sociodémographiques des patients.
Population
L’étude porte sur des patients adultes nouvellement diagnostiqués avec une maladie de Parkinson idiopathique entre 2012 et 2016. Ont été inclus uniquement les patients ne présentant pas de handicap reconnu au moment du diagnostic.
Pour garantir la comparabilité entre groupes, un appariement par score de propension (propensity score matching) a été réalisé selon la méthode du plus proche voisinage (1:1) (voir commentaires). Deux groupes appariés de 6394 patients chacun ont ainsi été constitués :
- un groupe exposé à l’acupuncture ayant reçu au moins six séances dans l’année suivant le diagnostic,
- et un groupe non exposé sans aucune séance durant la même période.
Critères d’évaluation
La durée de suivi était de six ans à compter de la date d’inclusion.
- Le critère principal était la mortalité toutes causes confondues mesurée sur la période de suivi.
- Les critères secondaires incluaient la mortalité par cause spécifique (notamment les cancers, les affections digestives, neurologiques ou circulatoires), la première visite aux urgences, la survenue d’une première fracture (telle que fracture vertébrale ou du col fémoral), ainsi que le recours à une première procédure de stimulation cérébrale profonde (DBS), indicateur de l’aggravation des symptômes moteurs.
Analyse statistique
L’effet de l’exposition à l’acupuncture a été évalué à l’aide de modèles de Cox qui permettent d’estimer le risque relatif de survenue des événements (mortalité, fractures, etc.) sur la durée du suivi. Les résultats sont exprimés sous forme de hazard ratios (HR) ajustés avec un seuil de significativité statistique fixé à p < 0,05. Des courbes de Kaplan–Meier ont été utilisées pour visualiser les différences entre groupes.
Principaux résultats
- Après six ans de suivi, les patients ayant reçu de l’acupuncture présentaient un risque de décès réduit de 11 % par rapport à ceux qui n’en avaient pas reçu (HR ajusté = 0,887 ; IC 95 % : 0,813–0,967).
- Cette baisse était particulièrement marquée pour certains types de décès :
- –24 % pour les cancers (HR = 0,764 ; IC 95 % : 0,628–0,930)
- –41 % pour les maladies digestives (HR = 0,591 ; IC 95 % : 0,357–0,979)
- En revanche aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes concernant : le risque de fracture, les visites aux urgences ou le recours à la stimulation cérébrale profonde.
Les courbes de Kaplan–Meier montrent l’évolution de la proportion de patients survivants (axe vertical) au cours des six années (axe horizontal) suivant le diagnostic de la maladie de Parkinson.
A chaque point de suivi, les chiffres situés sous l’axe horizontal précisent le nombre de patients encore en vie dans chaque groupe. A tous les temps de suivi, le groupe exposé présente une survie significativement supérieure (p < 0,0001).
Conclusions des auteurs
L’exposition à l’acupuncture est associée à une réduction du risque de mortalité chez les patients atteints de Parkinson. Les auteurs suggèrent son intégration comme traitement complémentaire tout en appelant à des essais contrôlés pour confirmer ces résultats.
Commentaires
La maladie de Parkinson est associée à un risque de décès environ 1,6 fois plus élevé que dans la population générale (Xu J et al., 2014 [2]). Parallèlement, l’acupuncture a fait l’objet de nombreux travaux expérimentaux et cliniques suggérant des effets bénéfiques sur les symptômes moteurs et non moteurs ainsi que sur certains mécanismes neurobiologiques de la maladie (Li J et al., 2025 [3] figures 2 et 3). Cette étude explore donc si l’acupuncture pourrait aussi avoir un impact sur la mortalité, en s’appuyant sur les données coréennes d’assurance maladie chez des patients récemment diagnostiqués.
Les bases de données médico-administratives
Cette étude s’inscrit dans la continuité des travaux mobilisant les bases de données d’assurance maladie pour évaluer, en vie réelle, l’impact de l’acupuncture sur différents indicateurs de santé. Ces sources à grande échelle permettent d’explorer des associations cliniquement pertinentes. Nous en avons montré un ensemble d’exemples sur ce blog — qu’il s’agisse, en Corée, du risque infectieux après arthrodèse [4] ; à Taïwan, du bénéfice médico-économique dans la migraine [5] ou du risque de pneumothorax [6] ; ou, via la base TriNetX, des complications postopératoires des fractures opérées [7].
Les études en vie réelle
En recherche clinique, l’expression « en vie réelle » (ou real-world) désigne les conditions de la pratique médicale courante par opposition aux conditions strictement contrôlées des essais cliniques. Les études en vie réelle s’appuient sur des données issues du système de soins — telles que les bases de données d’assurance maladie, les dossiers médicaux électroniques ou les registres — et non sur des protocoles expérimentaux.
Elles incluent des populations non restreintes : patients âgés, atteints de pathologies multiples ou recevant plusieurs traitements. Elles sont donc plus représentatives des situations rencontrées dans la pratique. Elles permettent ainsi d’évaluer l’effet d’une intervention dans un contexte concret au plus proche des réalités cliniques.
Ces études ne remplacent pas les essais contrôlés randomisés mais elles les complètent en apportant des données sur l’effectivité des interventions, c’est-à-dire sur leur impact réel en conditions ordinaires de soins.
Cependant, une association observée dans une étude en vie réelle ne suffit pas à établir un lien de cause à effet. Même en appliquant des ajustements statistiques, des biais résiduels ou des facteurs de confusion non mesurés peuvent subsister. Ces études permettent d’explorer des hypothèses, de générer des signaux ou de confirmer des tendances observées en pratique. En revanche elles ne constituent pas, à elles seules, une preuve formelle d’un effet thérapeutique, ni ne permettent de démontrer l’efficacité d’une intervention au sens strict du terme c’est-à-dire en établissant une relation causale démontrée dans des conditions contrôlées.
Critère d'exposition et méthodologie d’appariement
L’exposition à l’acupuncture a été définie par un seuil minimal de six séances dans l’année suivant le diagnostic. Ce seuil, bien que relativement arbitraire, s’appuie sur une convention méthodologique déjà adoptée dans plusieurs études fondées sur les bases de données d’assurance maladie. Il vise à distinguer un usage ponctuel d’un recours suivi et potentiellement thérapeutique à l’intervention.
Afin de limiter les biais de confusion liés à l’absence de randomisation, les auteurs ont procédé à un appariement par score de propension (propensity score matching). Cette méthode vise à rendre les groupes exposés et non exposés comparables sur un ensemble de variables observables. L’appariement a été réalisé selon les principaux facteurs susceptibles d’influer à la fois sur le recours à l’acupuncture et sur la mortalité : l’âge, l’année du diagnostic, le niveau de revenu (bracket d’assurance), la zone de résidence, le score de comorbidité de Charlson (CCI, ▶), ainsi que les comorbidités associées. À l’issue de cette procédure, les deux groupes comprenaient chacun 6394 patients.
Le score de comorbidité de Charlson
Exposition à l'acupuncture / traitement par acupuncture
Il convient de distinguer l’exposition à l’acupuncture telle qu’elle est mesurée dans une base de données populationnelle, du traitement par acupuncture, entendu comme une intervention ciblée répondant à une indication clinique précise.
Dans le cadre de la maladie de Parkinson, l’acupuncture peut être mobilisée pour traiter des symptômes moteurs (tremblement, rigidité), des troubles non moteurs fréquemment associés — douleurs, constipation, troubles anxieux ou du sommeil — (Li J et al., 2025 [3] figure 2) ou encore des comorbidités sans lien direct avec la pathologie neurologique.
Dans les données utilisées, il est difficile — sinon impossible — de rattacher l’exposition à l’intention thérapeutique initiale. Pourtant, il est légitime de considérer qu’un recours à l’acupuncture, même motivé par un symptôme intercurrent, puisse avoir un effet global sur le pronostic. Qu’elle cible un symptôme lié à la maladie, un trouble fréquemment associé, ou une affection concomitante, l’intervention peut contribuer à préserver l’autonomie, limiter les complications ou améliorer l’observance des traitements, autant de facteurs susceptibles d’influer, de manière indirecte mais réelle, sur le risque de mortalité. Des études menées dans des modèles animaux de la maladie de Parkinson ont permis d’identifier plusieurs mécanismes biologiques susceptibles de contribuer aux effets observés (Li J et al., 2025 [3], figure 3).
Dans cette perspective l’exposition à l’acupuncture peut être interprétée comme un marqueur de prise en charge globale dont les effets dépassent la seule visée thérapeutique initiale.
L’analyse porte sur 46 essais contrôlés randomisés. L’acupuncture y est utilisée pour traiter une large gamme de symptômes moteurs et non moteurs associés à la maladie de Parkinson : wearing-off, tremblement, troubles de l’équilibre, raideur musculaire, troubles de la marche, anxiété, dépression, troubles cognitifs, troubles du sommeil, constipation, troubles de la déglutition, hypotension orthostatique, fatigue et douleur.
Ce spectre étendu souligne la diversité des indications cliniques effectivement prises en charge. Dans ce contexte, l’exposition à l’acupuncture doit être comprise comme un recours thérapeutique global sans qu’il soit possible d’en isoler une indication unique.
Le schéma résume les données de 31 études expérimentales menées chez l’animal explorant les effets biologiques de l’acupuncture dans différents modèles de la maladie de Parkinson.
Ces résultats expérimentaux suggèrent un effet global, multifactoriel, susceptible d’améliorer l’équilibre clinique et fonctionnel, avec un impact potentiel sur la morbidité et la mortalité.
Limites et facteurs de confusion
La mortalité dans la maladie de Parkinson est influencée par une combinaison de facteurs cliniques — âge avancé au diagnostic, sexe masculin, atteinte motrice bilatérale, absence de tremblement initial, troubles psychiatriques — et environnementaux comme l’exposition aux pesticides. À l’inverse, certains comportements tels qu’une consommation modérée de café ou d’alcool ont été associés à une moindre mortalité.
Dans ce contexte, l’association observée entre recours à l’acupuncture et réduction du risque de décès doit être interprétée avec prudence. En l’absence de randomisation, une telle corrélation ne peut démontrer un lien de cause à effet. Il est possible que les patients qui choisissent de recourir à l’acupuncture présentent, indépendamment du traitement lui-même, des caractéristiques plus favorables au pronostic par exemple, une plus grande implication dans leur santé, une meilleure observance des traitements conventionnels, un niveau d’éducation ou de ressources facilitant l’accès aux soins ou encore un soutien familial renforcé.
Cette étude ne permet pas d’établir de lien de causalité mais elle contribue à formuler des hypothèses, à détecter des signaux pertinents et à orienter les recherches futures vers des axes cliniquement et épidémiologiquement plausibles.
L'essentiel à retenir
Une vaste étude de cohorte sud-coréenne suggère une association entre le recours à l’acupuncture et une réduction du risque de mortalité chez des patients atteints de maladie de Parkinson idiopathique suivis sur une période de six ans.
La confirmation de cet effet suppose des essais contrôlés randomisés rigoureux conçus pour explorer à la fois son ampleur clinique et ses déterminants biologiques.
Ces résultats renforcent l’hypothèse d’un effet global de l’acupuncture susceptible d’agir sur l’évolution de la maladie au-delà de la seule gestion symptomatique.
Dr Johan Nguyen
Références
- Hwang YC, Lee J, Kang D, Lee HG, Kwon S, Cho SY, Park SU, Jung WS, Moon SK, Park JM, Leem J, Ko CN. A nationwide retrospective cohort study of the association between acupuncture exposure and clinical outcomes of idiopathic Parkinson’s disease using health insurance claim data in South Korea. Integr Med Res. 2025 Jun;14(2):101146. https://doi.org/10.1016/j.imr.2025.101146 🔓
- Xu J, Gong DD, Man CF, Fan Y. Parkinson’s disease and risk of mortality: meta-analysis and systematic review. Acta Neurol Scand. 2014;129(2):71–9. https://doi.org/10.1111/ane.12201
- Li J, Wu M, Song W, Zhang J, Zhu L. Neuroprotective Mechanisms and Clinical Evidence for Acupuncture in Parkinson’s Disease: A Systematic Review. Parkinsons Dis. 2025 May 11;2025:9739567. https://doi.org/10.1155/padi/9739567 🔓
- Nguyen J. Fractures opérées : l’acupuncture réduit le risque de complication. Acupuncture Preuves & Pratiques. Mai 2025. https://gera.fr/acupuncture-et-fractures-operees/ 🔓
- Nguyen J. Chirurgie du rachis : l’acupuncture en préopératoire n’augmente pas le risque d’infection postopératoire, les infiltrations épidurales oui. Décembre 2024. Acupuncture Preuves & Pratiques. https://gera.fr/risque-d-infection-postoperatoire-de-lacupuncture/ 🔓
- Nguyen J. L’acupuncture dans la migraine : un bénéfice économique pour le système de santé et la société. Acupuncture Preuves & Pratiques. Mai 2025. https://gera.fr/acupuncture-et-migraine-2/ 🔓
- Nguyen J. Quel est le risque de pneumothorax après acupuncture ? Acupuncture Preuves & Pratiques. Février 2024. https://gera.fr/pneumothorax-et-acupuncture/ 🔓
Mots-clés : Neurologie