George Soulié de Morant, sinologue et diplomate, est la grande figure tutélaire de l'acupuncture en France, son histoire officielle est bien connue. Durant son séjour à Pékin, une épidémie de choléra sévit (1902) et il est témoin de l'efficacité remarquable de l'acupuncture. Il décide dès lors de s'y intéresser, parallèlement à ses fonctions de Consul, s'informant et s'instruisant auprès de praticiens chinois à Pékin, puis à Shanghai (1903) et enfin à Kunming (1907). Sa compétence en acupuncture va être reconnue au plus haut niveau, le vice-roi du Yunnan lui décernant une très haute distinction, le "Globule de corail ciselé" (1908). En 1929 il publie son premier article avec Paul Ferreyrolles [1], point de départ indiscutable du développement de l'acupuncture en France et de là en Occident. Toute la légitimité de Soulié de Morant s'est construite sur sa formation en Chine, ce sera son argument d'autorité, largement repris ensuite par ses élèves.
Mais toute cette histoire est une fable et Soulié de Morant n'a jamais appris l'acupuncture en Chine, ni même n'y a prêté attention [2, 3]. Notre propos ici est de nous intéresser à l'épisode originel, celui de l'épidémie de cholera.
Le récit de Soulié de Morant
En 1932, Soulié de Morant fait pour la première fois le récit de sa rencontre avec l'acupuncture [4] :
Georges Soulié à Shanghai vers 1904
Mgr Alfons Bermyn (1876-1915), évêque du Suiyuan (Mongolie).
"…le destin, sous la forme du vénérable évêque de Mongolie, le regretté Mgr Bermyn qui consentait alors à m'enseigner le mongol, me fit visiter l'hôpital des missionnaires, où des médecins chinois soignaient les malheureux atteints par la terrible épidémie de choléra qui ravageait alors Péking et qui avait fait mourir sous mes yeux, en peu de jours, deux de mes domestiques.
"Dans cet hôpital, j'assistai à des guérisons qui me plongèrent dans une stupéfaction mélangée, bien entendu, d'incrédulité.
Pour de tels résultats, les moyens employés étaient plus que simples. Sur des points choisis, quelques piqûres à 3 ou 4 mm de profondeur avec une fine aiguille de cuivre, sans aucune injection de médicament. Ou bien, dans certains cas, des moxas faits en enflammant sur la peau un cône minuscule de poudre de feuilles d'armoise. Le malade était aussitôt soulagé. Ses crampes atroces et son froid disparaissaient. Vomissements et diarrhée ne se reproduisaient plus.
Enthousiasmé, mais soupçonneux, j'obtins du praticien le prêt d'une aiguille et de quelques malades, non sans avoir d'abord observé avec soin les endroits où piquer. A ma grande surprise, mes malades furent soulagés.
Voulant percer un tel mystère, j'étudiai dès lors avec ce médecin chinois les principes essentiels de la doctrine et, pour quelques maladies, les points importants et leurs effets. Les traités médicaux que l'on me fit acheter me rebutaient encore, trop de termes m'étant inconnus."
"
Un réexamen du récit
L'épidémie de choléra est la scène inaugurale, fondatrice, de la légende de Soulié de Morant, découvreur de l’acupuncture pour le public occidental. Notons que cette scène n'apparait pas dans l'article de 1929 et qu'après 1932 Soulié de Morant en donnera plusieurs versions qui diffèrent sur quelques détails.
Le témoin soupçonneux
La dernière partie du récit, où le jeune George Soulié (il ne prendra le nom de George Soulié de Morant qu'à partir de 1917), alors âgé de 24 ans et sans aucune formation médicale ou scientifique, tente lui-même, aiguille en main, de vérifier l'efficacité de l'acupuncture sur quelques patients "prêtés", donne à sourire tant elle semble peu crédible. Même s'agissant d'un médecin expérimenté, une telle scène serait difficile à imaginer. En 1939, dans le liminaire de L'Acuponcture chinoise, il reprend le récit de l'épidémie de choléra mais cette fin a disparu [5].
Le témoin silencieux
Ceci dit, Soulié de Morant a réellement été témoin de cette épidémie. Il rédige pour le journal l'Illustration (numéro du 15 novembre 1902) un article intitulé : "Processions contre le choléra en Chine" [6] :
La une de L'Illustration du 15 novembre 1902.
"A Tien-Tsin [Tianjin], où l'épidémie a fait son apparition, il mourait près de quinze cents indigènes par jour, et bien qu'il soit impossible de faire une estimation même approximative du nombre de décès quotidiens à Péking, il y a mille raisons de supposer que la proportion ait été moindre dans la capitale. Un détail donnera idée de la foudroyante activité de la mort : on cite plusieurs cas de traineurs de pousse-pousse, pris en bonne santé et que l'on retrouvait agonisant à la porte du magasin où l'on venait de les quitter pour faire quelques emplettes.
Le peuple était assez inquiet, autant du moins que le lui permet son indifférence orientale en face de la destinée : les offrandes affluaient sur les autels des dieux, de tous les dieux ; car il faut craindre, si l'on se contente de sacrifier à un seul, d'irriter la jalouse susceptibilité de ceux que l'on néglige. Dans les provinces, on organisait des processions rogatoires pour apaiser « Mono-Louane-Ping «, la divinité
malfaisante en laquelle la superstition du peuple a personnifié le choléra lui-même. C'est à l'une de ces cérémonies qu'il nous a été donné d'assister, dans une ville du troisième rang, Houal-Lai-Siéne, [Huailai Xian] située sur la frontière de Mongolie, au delà de la Grande Muraille".
La virulence de l'épidémie est évoquée par la fulgurante agonie des traineurs de pousse-pousse, faisant écho à la mort de deux de ses domestiques dans le récit de 1932. Mais Soulié de Morant qui prétend avoir été stupéfait et enthousiasmé par l'effet de l'acupuncture n'en fait alors aucune mention, rapportant et photographiant tout autre chose. L'article est accompagné d'un dessin (figure 1) d'après une de ses photographies (figure 2). Il décrit une procession rogatoire promenant l'effigie d'une divinité malfaisante dans un vacarme de gongs et de pétards. Parmi les dizaines de clichés pris par Soulié de Morant durant son séjour en Chine aucun n'a pour sujet l'acupuncture ou simplement la médecine.
L'acupuncture ne sera abordée pour la première fois qu'en 1929 dans l'article co-écrit avec Paul Ferreyrolles, soit 27 ans après. Ceci alors que durant toute cette longue période il a été un auteur prolixe sur la Chine publiant une trentaine de titres abordant de très nombreux thèmes (littérature, arts, théâtre, musique, histoire, droit…). Il collabore régulièrement au bimensuel Mercure de France en assurant une chronique "Lettres chinoises" qui traite de divers sujets politiques ou culturels relatifs à la Chine. Mais jamais avant 1929 il n'évoque l'acupuncture. Ce silence est étonnant tant il contraste avec son prétendu investissement dans l'acupuncture, affirmant avoir étudié l'acupuncture "quinze ans en Chine" [7] (en réalité ses séjours cumulés dans le pays n'ont pas dépassé sept ans).
Le recyclage du récit des missionnaires
En 1902, même année que la publication de l'article de Soulié de Morant dans l'Illustration, parait un livre de Monseigneur Favier, évêque de Pékin, où il relate l'anecdote d'un missionnaire mourant, guéri du choléra par l'acupuncture [8] :
Mgr Alphonse Favier (1837-1905), évêque de Pékin.
"Quant à l'acupuncture, on ne saurait en nier l'efficacité. Un témoin oculaire rapporte le fait suivant : "Un jour, un missionnaire tombe presque mort sur une route, il avait le choléra ; je me rends près de lui et le trouve froid, exsangue, sans connaissance. Deux chinois lui enfonçaient dans les bras et dans les jambes des aiguilles en fer à très grosse tête de laiton tressé. Le sang ne sortait pas. Enfin, sous les genoux on lui introduit une aiguille de plus d'un pouce de long. Une gouttelette de sang apparut, l'un des médecins dit alors "il est sauvé". Là-dessus, ils fumèrent une pipe et burent le thé. Le malade ne bougeait toujours pas, je leur dis : « Mais continuez donc, vous voyez bien qu'il est mort ou à peu près ! — Soyez tranquille, répondirent-ils, le sang est sorti, nous avons le temps. » Impossible de les amener à continuer l'opération ; je brûlais d'impatience. Enfin, après leur troisième ou quatrième pipe, ils recommencent et font de nouvelles piqûres ; au bout d'un quart d'heure, le malade se dresse sur son séant, comme un cadavre vivant, me regarde et dit : « Où suis-je ?... Ah ! c'est vous ? je... fumerais bien une pipe ! » Lui aussi ! Bref, j'ai voulu le rapporter sur une civière à la capitale, éloignée de 12 kilomètres ; alors mes Chinois de dire : « Oh ! vous voulez l'emmener ! c'est bien, mais il faut prendre quelques précautions » ; sans rien ajouter, ils lui enfoncèrent quatre aiguilles de huit centimètres de long (je les ai mesurées), et je le ramenai à Péking. Pendant toute la nuit il dormit paisiblement, et le lendemain il était complètement guéri."
En 1937 Soulié de Morant modifie son récit originel de 1932, substitue Mgr Favier à Mgr Bermyn et adapte la conclusion [9] :
"Je visitais, avec l'Evêque de Pékin, Mgr Favier, un hôpital créé par nos missionnaires, quand on apporta un cholérique. Il me parut mourant. Mais un médecin chinois s'approcha de lui, lui fit des piqures avec des aiguilles de cuivre, et dix minutes après, le malade n'avait plus ni vomissements, ni crampes. Il se leva et dit : "je crois que je suis guéri….".
L'anecdote rapportée par Mgr Favier concerne le père Smorenburg (1827-1904) et se trouve initialement dans un livre du père Verbist de 1873 [10]. Elle circule dans les milieux missionnaires de l'époque pour mettre en avant l'intérêt de l'acupuncture :
Antoon Smorenburg (1827-1904), missionnaire hollandais en Chine.
"Je me rappelle que nous causions parfois en Belgique de l'efficacité de l'acupuncture. Tel y croyait, tel autre s'en moquait. Permettez-moi de citer un fait qui semble donner raison aux premiers. Il y a deux ans environ, M. Smorenburg, de la mission de Pe-King, fut appelé dans un petit village, situé à quelques lieues de la capitale, pour administrer les sacrements à plusieurs chrétiens atteints du choléra. À peine eut-il achevé sa pénible tâche qu'il ressentit les prodromes de la maladie. Se faisant illusion sur son état, il s'élance à cheval dans l'espoir d'arriver à Pe-King à temps pour se faire traiter. À deux lieues de la ville il n'en pouvait plus : il se fit déposer dans une pagode, et ordonna à son catéchiste de courir ventre à terre à Pe-king pour chercher du secours. Entre-temps les crampes le saisirent aux entrailles avec une violence telle qu'il s'évanouit complètement.
Cependant, quelques païens touchés de compassion coururent appeler le médecin du village. Celui-ci se mit aussitôt à la besogne. S'armant d'une forte aiguille, il l'enfonça tout entière dans le ventre du patient. Le sang ne jaillit point. Il est mort s'écria l'Esculape. « Non, non répondit faiblement M. Smorenburg rappelé à la vie par le sentiment de la douleur, j'ai fort bien senti qu'on m'a piqué : continuez toujours. » De nouvelles tentatives furent faites. Après quelques instants une goutte de sang parut. À cette vue, le docteur ayant la quasi-certitude de sauver le malade se mit à l'acupuncture avec une sorte de rage ; quand on arriva de Pe-King avec une litière, on trouva le pauvre M. Smorenburg percé de plus de 150 coups d’aiguille, mais tout symptôme de choléra avait disparu."
L'anecdote est reprise également dans deux livres parus en 1915, La médecine en Chine au XXème siècle d'Eugène Vincent [11], et en 1924, Traité de réflexothérapie d'Albert Leprince [12]. Pour qui prend intérêt à l'acupuncture à la fin des années 20, ces deux livres médicaux sont alors des références marquantes et incontournables. L'article princeps de 1929 a d'ailleurs pour titre "L’acupuncture en Chine vingt siècles avant J.C. et la réflexothérapie moderne" [1].
Il est clair qu'en 1932 Soulié de Morant s'approprie une anecdote rapportée par les missionnaires et qui avait largement circulé pour illustrer l'efficacité de l'acupuncture. Mais il ne se contente pas de la relater comme Eugène Vincent ou Albert Leprince, il l'instrumentalise pour se mettre en scène, se présentant comme un témoin privilégié et un acteur clé.
C'est cette méthode qu'il emploiera à maintes reprises pour se forger une histoire et bâtir sa propre légende. Il s'invente par exemple une rencontre à Shanghai en 1903 avec Sun Yat-sen, alors pourchassé par la police impériale, ou encore prend la place à Kunming du véritable consul lors de la réception du vice-roi du Yunnan à l'occasion du 14 juillet 1908 [2]. Tout le récit de son séjour en Chine est une fiction parsemée d'épisodes où il se met en scène comme un héros dans un arrière-plan bien réel.
L'invention d'une pratique
Dans le récit de Soulié de Morant, un élément attire l'attention : il mentionne une profondeur de puncture de 3 à 4 millimètres, étonnamment faible par rapport aux profondeurs classiques et usuelles.
Les observateurs de l'époque, sans aucune connaissance de l'acupuncture, sont au contraire spontanément frappés par la grande profondeur de puncture des pratiques chinoises. Ainsi le Père Verbist rapporte : "S'armant d'une forte aiguille, il l'enfonça tout entière dans le ventre du patient" et de son côté Monseigneur Favier : "Ils lui enfoncèrent quatre aiguilles de huit centimètres de long (je les ai mesurées)". En 1887 le docteur Henri Duchon-Doris est témoin d'une épidémie de choléra qu'il relate dans un article [13]. Tout en décrivant les mêmes pratiques superstitieuses que Soulié de Morant, il mentionne : "… je dirai en passant qu'un moyen qui faisait merveille consistait à enfoncer profondément une longue aiguille dans le creux épigastrique" .
Cette divergence sur un élément technique essentiel était un indice majeur pour s'interroger sur la réalité d'une formation en Chine de Soulié de Morant.
En 1929 avec Paul Ferreyrolles, et sans aucune connaissance réelle de l'acupuncture, ils ont inventé une pratique dont la caractéristique était une insertion très superficielle de l'aiguille. Cette pénétration, limitée à quelques millimètres dans le derme, était basée sur une considération quant au mécanisme d'action, ce que reconnaitra Paul Ferreyrolles : "Au début de nos études, nous avions pensé que l'acupuncture n'était qu'une thérapeutique de réflexothérapie par traumatisme dermique, l'emploi des moxas et leur effet thérapeutique semblaient apporter un argument sérieux à cette hypothèse" [14].
Plus encore, ils ont été amenés à créer leur propre outil dont les différences avec les aiguilles asiatiques laissent perplexe (figures 3 et 4). Soulié de Morant qui prétend avoir étudié 15 ans l'acupuncture en Chine n'avait donc ramené aucune aiguille de son séjour et réinvente à son retour une pratique et un instrument différents.
Dans un autre récit de 1932 il décrit ainsi la technique du médecin chinois lors de l'épidémie de choléra : "quelques piqûres à 3 ou 4 millimètres de profondeur avec une aiguille à coudre" [15]. Soulié de Morant légitime ainsi sa pratique et son outil.
Durant plusieurs décennies, et certainement encore aujourd'hui, une partie des acupuncteurs français est ainsi persuadée pratiquer la "vraie acuponcture chinoise", tradition miraculeusement recueillie en Chine par Soulié de Morant au décours d'une épidémie de choléra. Cette "vraie acuponcture chinoise" n'est en réalité qu'une reconstruction française des années 1930 dans un contexte médical et culturel bien particulier [2].
Le mythe
Je n'ai jamais cru à l'histoire de Soulié de Morant, il y avait bien trop d'incohérences, d'invraisemblances, de bizarreries. Plus les éléments biographiques étaient développés dans les hagiographies successivement publiées [16-18] et plus les doutes et les questionnements étaient alimentés.
C'est pourquoi, dès que j'en ai eu l'opportunité et qu'un premier fil à tirer s'est présenté (les archives de l'hôpital consulaire de Kunming aux Archives nationales d'outre-mer à Aix-en-Provence), j'ai enquêté sur cette histoire, explorant toutes les pistes disponibles [2]. Chaque fil remonté menait systématiquement à une falsification : l'histoire de Soulié de Morant est à l'évidence celle d'une imposture.
En contrepoint de ce questionnement il y en a un autre : comment ce récit a-t-il pu être accueilli comme authentique par les médecins français ? Comment ont-ils pu y croire, et continuer ensuite à y croire ?
Ce que nous raconte Soulié de Morant est un dévoilement, celui de l'acupuncture, à partir d'un épisode de révélation, l'épidémie de choléra, et l'acteur du dévoilement est la figure d'un sinologue. Cette histoire construit un mythe moderne. S'il a pu s'installer et se perpétuer, indifférent à la véracité des faits, c'est qu'il remplit une double fonction, symbolique et identitaire.
Fonction symbolique : la construction de l'altérité de la médecine chinoise
Le mythe véhicule une vision occidentale fantasmée sur une Chine impénétrable et immuable. La clé du dévoilement est que Soulié de Morant était un sinologue (et en creux qu'il n'était pas médecin), c'est grâce a sa "connaissance de la langue et de l'étiquette" [5] qu'il accède à l'acupuncture, jusque là inaccessible. C'était un sinologue, mais un sinologue immergé dans une Chine profonde et initié. Le mythe construit une médecine chinoise irrémédiablement ancrée dans sa langue, sa pensée et sa culture, d'une altérité fondamentale avec la médecine occidentale universaliste. Le mythe est un mythe orientaliste qui construit une frontière imaginaire entre les deux médecines comme l'orientalisme crée une frontière imaginaire entre un Orient invariable et un Occident en perpétuelle évolution [19].
La fonction identitaire : la construction de l'acupuncture française
L'histoire de Soulié de Morant est un mythe des origines. Il crée une continuité imaginaire entre la tradition médicale chinoise et l’acupuncture en France, permettant aux praticiens d'affirmer la légitimité de leur propre pratique. Cette légitimation autorise l'appropriation et la réinvention de l'acupuncture.
Cette réinvention est tout entière fondée sur le principe d'une altérité, ce qui a pour conséquence une double mise à distance : celle de la science et celle de la Chine moderne.
- La clé de compréhension de l'acupuncture n'est pas dans la recherche médicale, mais dans les livres anciens et le déchiffrement des textes et des idéogrammes. Le mythe de Soulié de Morant induit, dans le champ de la médecine chinoise, le primat du sinologue sur le médecin, le primat du textuel sur le biologique, le primat de l'ancien sur le moderne.
- La Chine moderne a rompu avec sa tradition, s'est soumise au scientisme de l'Occident comme aux injonctions du régime communiste. La France devient dès lors gardienne et protectrice d'une acupuncture authentique dont elle est apte à révéler la véritable essence. C'est un mythe orientaliste où le savant occidental se prétend détenteur du savoir oriental, oublié et incompris des orientaux modernes [19].
La construction New Age
L'altérité, par définition, met l'acupuncture en marge du champ de la médecine, de ses méthodes et de son éthique. Elle ouvre largement la porte à l'anti-science et à des appropriations idéologiques à caractère ésotérique, mystique ou spiritualiste. C'est la reconstruction New Age d'une acupuncture comme "médecine intégrative" où tous les discours, quels qu'ils soient et d'où qu'ils viennent, sont considérés légitimes et pertinents. Dans ce cadre, et là est la morale de la fable de Soulié de Morant, le fait historique, pas plus que le fait scientifique, n'ont d'importance.
Dr Johan Nguyen
- Soulié de Morant G et Ferreyrolles P. L’acupuncture en Chine vingt siècles avant J.C. et la réflexothérapie moderne. Homéopathie Française. 1929;juin:403-16.
- Nguyen J. La réception de l’acupuncture en France, une biographie revisitée de George Soulié de Morant (1878-1955). Paris: l’Harmattan. 2012: 220p. [extraits]🔓
- Nguyen J. Quand Paul Ferreyrolles dévoile l’imposture de George Soulié de Morant. Acupuncture Preuves & Pratiques. Novembre 2023. |URL| 🔓
- Soulié de Morant G. L’acuponcture chinoise. Mercure de France. 1932;811. Page 33.
- Soulié de Morant G. L’acuponcture chinoise. Tome I. Paris: Mercure de France; 1939. Page
22. - Soulié G. Processions contre le choléra en Chine. L’lllustration. 1902; 3116 (15 nov):395-6.
- Soulié de Morant G. L’acuponcture chinoise ou la guérison par les piqûres d’épingles vérifiées au Japon. Paris-Midi. 13 mars 1933.
- Favier A. Péking, histoire et description. Paris: Desclée de Brouwer. 1902. p 353.
- Kunstler C. L’acupuncture est-elle une science médicale ? Annuaire de la Noblesse de France et des Maisons Souveraines de l’Europe. 1937;84(A94):197-200.
- Verbist T. Voyages de Bruxelles en Mongolie et travaux des missionnaires de la Congrégation de Scheutveld (Les Bruxelles). Bruxelles: Coomans 1873. Page 56.
- Vincent E. La médecine en Chine au XXème siècle. Paris: G. Steinheil Editeur. 1915. Pages 75-76.
- Leprince A. Traité de réflexothérapie. Paris: Maloine. Page 18.
- Duchon-Doris H. Relation d’une épidémie de cholera en Chine en l’année 1887. Gazette Hebdomadaire de Médecine et de Chirurgie. 1890;23:270-1.
- Ferreyrolles P. Acupuncture chinoise. Lille: éditions SLEL. 1953. Page 60.
- Soulié de Morant G. L’acupuncture chinoise. Annales de l’Hôpital Saint-Jacques. 1932 juin;5-19.
- Jacquemin J. George Soulié de Morant, sa vie, son œuvre. Revue Française d’Acupuncture.
1985;42:9-31. |URL| 🔓 - Wei Thiong Chan Way Tim. George Soulié de Morant. Méridiens. 1987;79:1-124. |URL| 🔓
- De Noblet A. Un ami de Judith Gautier : George Soulié de Morant. Les Carnets de l’Exotisme. 1995; janvier:25-9. |URL| 🔓
- Saïd EW, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident. Paris: Editions du Seuil. 1978.
Mots-clés : Histoire