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192- L’acupuncture discipline médicale – l’obstétrique champ d’application privilégié

L’acupuncture est une discipline médicale à part entière. Elle repose sur un ensemble cohérent de données probantes, validées par les instances scientifiques et intégrées aux recommandations de bonne pratique. Sa légitimité relève de la même démarche méthodologique que celle appliquée à l’ensemble des thérapeutiques reconnues.

L’obstétrique en constitue un champ d’application privilégié. Les contraintes pharmacologiques et la recherche de sécurité imposent d’y recourir à des approches non médicamenteuses dont l’efficacité et la tolérance sont établies. Dans ce cadre, l’acupuncture répond à des besoins cliniques précis et documentés.

Ce document propose une mise en perspective des données probantes actuelles sur l’acupuncture, de leur application en obstétrique, et leur reconnaissance par les institutions médicales.

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1- La place de l’acupuncture

L’acupuncture a progressivement trouvé sa place dans la médecine contemporaine, jusqu’à s’imposer aujourd’hui comme une discipline thérapeutique à part entière. Sa légitimité s’appuie sur un socle de recommandations professionnelles de plus en plus nombreuses. Son champ d’application s’est élargi et consolidé dans diverses disciplines, traduisant son intégration au cœur des standards médicaux.

Dans un système de soins, la validité d’une thérapeutique ne saurait dépendre d’opinions individuelles ou de prises de position médiatiques. Elle repose sur l’évaluation collective des données probantes et sur leur traduction en recommandations de bonne pratique élaborées par les institutions médicales et les sociétés savantes. Seules ces instances sont légitimes à préciser la place des interventions dans la stratégie de prise en charge. Ce processus collégial constitue le cadre scientifique indispensable à la reconnaissance d’une thérapeutique.

La place de l’acupuncture dans les systèmes de soins est fixée par les recommandations professionnelles fondées sur les données probantes, et non par les opinions.

L’ampleur de la validation institutionnelle de l’acupuncture est illustrée par un recensement systématique de la littérature scientifique internationale, conduit en collaboration avec l’équipe canadienne de l’Université McMaster, berceau de la médecine fondée sur les preuves¹. Cette étude a identifié 133 guides de pratique clinique parus entre 2010 et 2020, issus de neuf pays et de huit organisations internationales, qui abordaient explicitement la question de l’acupuncture. Ces guides formulaient au total 433 recommandations individuelles. Dans 87 % des cas, celles-ci se prononçaient en faveur de l’intégration de l’acupuncture comme option thérapeutique dans la prise en charge, contre seulement 6,4 % défavorables et 5,8 % réservées. Couvrant onze disciplines médicales, elles témoignent de l’ampleur du champ d’indications, dominé par la rhumatologie (28,6 %), la neurologie (15,8 %) et la gynécologie-obstétrique (12,7 %).

  1. Tang X, Shi X, Zhao H, Lu L, Chen Z, Feng Y, et al. BMJ Open. 2022;12(2):e058834. https://doi.org/10.1136/bmjopen-2021-058834
Un large consensus international consacre la place de l’acupuncture comme option thérapeutique dans de nombreuses indications, justifiant son intégration dans les systèmes de soins.

Une veille documentaire est assurée par le Centre de documentation du GERA, qui recense l’ensemble des recommandations, classées par discipline et par pathologie. Leur intégralité est accessible en libre consultation sur le site Evidence in Acupuncture .

Dans la continuité de ce consensus international, plusieurs recommandations françaises récentes ont intégré l’acupuncture dans leurs préconisations. On peut ainsi citer sa recommandation forte dans le traitement de la migraine par la Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC, 2021)², son intégration dans la prise en charge de la gonarthrose par la Société française de rhumatologie (SFR) et la Société française de médecine physique et de réadaptation (SOFMER, 2024)³, ainsi que dans le traitement des nausées et vomissements gravidiques par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF, 2022)⁴.

  1. Demarquay G, Mawet J, Guégan-Massardier E, et al. Revised guidelines of the French Headache Society for the diagnosis and management of migraine in adults. Part 3: Non-pharmacological treatment. Rev Neurol (Paris). 2021;177(7):753-759. https://doi.org/10.1016/j.neurol.2021.07.001
  2. Pers YM, Nguyen C, Borie C, et al. Recommendations from the French Societies of Rheumatology and Physical Medicine and Rehabilitation on the non-pharmacological management of knee osteoarthritis. Ann Phys Rehabil Med. 2024;67(7):101883. https://doi.org/10.1016/j.rehab.2024.101883
  3. Deruelle P, Sentilhes L, Ghesquière L, et al. Consensus formalisé d’experts du Collège national des gynécologues et obstétriciens français : prise en charge des nausées et vomissements gravidiques et de l’hyperémèse gravidique. Gynecol Obstet Fertil Senol. 2022;50(11):700-711. https://doi.org/10.1016/j.gofs.2022.09.002

La recommandation française sur la migraine illustre le large consensus international dans cette pathologie, puisque 13 des 14 recommandations publiées après 2018 sont en faveur de l’acupuncture (fig. 1). Elle est également exemplaire de l’évolution des données probantes, la SFEMC étant passée d’une absence de recommandation en 2014 à une recommandation forte en 2021.

Figure 1 – Consensus international sur l’inclusion de l’acupuncture comme option thérapeutique dans la prise en charge de la migraine

Figure 1. Consensus international sur l’inclusion de l’acupuncture comme option thérapeutique dans la prise en charge de la migraine (Evidence in Acupuncture).

2- Un solide corpus de données probantes

Le socle des recommandations de bonne pratique repose sur un corpus solide de données probantes, fruit d’une accumulation progressive de travaux cliniques et expérimentaux, particulièrement au cours des deux dernières décennies.

Cette dynamique est illustrée par l’évolution du nombre de publications sur l’acupuncture indexées dans PubMed (fig. 2). L’acupuncture s’est ainsi imposée comme un objet scientifique reconnu dans la recherche biomédicale internationale.

Figure 2 – Évolution du nombre cumulé de publications sur l’acupuncture indexées dans PubMed (2000–2025)

Figure 2. Évolution du nombre cumulé de publications sur l’acupuncture indexées dans PubMed (2000–2025).

Ce corpus de données probantes se décline en plusieurs strates :

Les essais contrôlés randomisés (ECR) constituent les études de référence pour établir l’efficacité d’une intervention. Le nombre élevé d’ECR consacrés à l’acupuncture constitue un indicateur de la vitalité de la recherche clinique, avec près de 300 publications par an depuis plus d’une décennie (fig. 3). Un ensemble d’essais a été publié dans des revues médicales majeures à haut standard scientifique. Des publications marquantes du JAMA ou des Annals of Internal Medicine peuvent être citées en exemple sur le traitement par acupuncture de l’incontinence urinaire de stress5, des arthralgies liées aux anti-aromatases dans le cancer du sein6,dela dyspepsie7 ou la prostatite chronique / syndrome douloureux pelvien8.

  1. Liu Z, Liu Y, Xu H, et al. Effect of electroacupuncture on urinary leakage among women with stress urinary incontinence: a randomized clinical trial. JAMA. 2017;317(24):2493-501. https://doi.org/10.1001/jama.2017.7220
  2. Hershman DL, Unger JM, Greenlee H, Capodice JL, Lew DL, Darke AK, Kengla AT, Melnik MK, Jorgensen CW, Kreisle WH, Minasian LM, Fisch MJ, Henry NL, Crew KD. Effect of Acupuncture vs Sham Acupuncture or Waitlist Control on Joint Pain Related to Aromatase Inhibitors Among Women With Early-Stage Breast Cancer: A Randomized Clinical Trial. JAMA. 2018;320(2):167-176. https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2687355
  3. Yang JW, Wang LQ, Zou X, et al. Effect of acupuncture for postprandial distress syndrome: a randomized clinical trial. Ann Intern Med. 2020;172(12):777-785. https://doi.org/10.7326/M19-2880
  4. Sun Y, Liu Y, Liu B, et al. Efficacy of acupuncture for chronic prostatitis/chronic pelvic pain syndrome: a randomized trial. Ann Intern Med. 2021;174(10):1357-1366. https://doi.org/10.7326/M21-1814
Figure 3 – Nombre annuel d’essais contrôlés randomisés sur l’acupuncture indexés dans PubMed (2000–2025)

Figure 3. Nombre annuel d’essais contrôlés randomisés sur l’acupuncture indexés dans PubMed (2000–2025).

Les revues systématiques constituent la strate supérieure de synthèse des preuves, en apportant une évaluation critique et cumulative des essais disponibles. Leur évolution suit logiquement celle des ECR et de la recherche clinique (fig. 4). Une cartographie9 établie sur cette base et publiée dans le BMJ par la Veterans Health Administration (USA) montre que l’acupuncture présente un bénéfice dans 71 des 88 indications analysées, traduisant l’élargissement constant de son champ d’application, avec un niveau de preuve qui apparaît le plus souvent équivalent, voire supérieur, à celui de nombreuses thérapeutiques recommandées.

  1. Allen J, Mak SS, Begashaw M, Larkin J, Miake-Lye I, Beroes-Severin J, Olson J, Shekelle PG. Use of Acupuncture for Adult Health Conditions, 2013 to 2021: A Systematic Review. JAMA Netw Open. 2022 Nov 1;5(11):e2243665. https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2022.43665

Les revues publiées par la Cochrane Collaboration sont reconnues pour leur rigueur méthodologique et font autorité dans l’évaluation des interventions. Un ensemble d’entre elles met en évidence non seulement l’efficacité de l’acupuncture, mais également un effet spécifique par rapport à une fausse acupuncture. Sont exemplaires à cet égard les synthèses portant sur la prévention de la migraine épisodique10, de la céphalée de tension11, le traitement de la prostatite chronique et du syndrome douloureux pelvien chronique12, ainsi que la prévention des nausées et vomissements postopératoires13. Cette dernière revue est particulièrement emblématique puisqu’elle actualise la toute première revue systématique qui, dès 1999, avait démontré un effet spécifique de l’acupuncture au-delà du placebo14.

  1. Linde K, Allais G, Brinkhaus B, et al. Acupuncture for the prevention of episodic migraine. Cochrane Database Syst Rev. 2016;2016(6):CD001218. https://doi.org/10.1002/14651858.CD001218.pub3
  2. Linde K, Allais G, Brinkhaus B, et al. Acupuncture for the prevention of tension-type headache. Cochrane Database Syst Rev. 2016;4(4):CD007587. https://doi.org/10.1002/14651858.CD007587.pub2
  3. Franco JV, Turk T, Jung JH, et al. Non-pharmacological interventions for treating chronic prostatitis/chronic pelvic pain syndrome. Cochrane Database Syst Rev. 2018;5:CD012551. https://doi.org/10.1002/14651858.CD012551.pub3
  4. Lee A, Zhang JZ, Xie J, Cheng V, Wong MKH, Yau DKW. Stimulation of the wrist acupuncture point PC6 for preventing postoperative nausea and vomiting: a network meta-analysis. Cochrane Database Syst Rev. 2025 Sep 12;9(9):CD003281. https://doi.org/10.1002/14651858.cd003281.pub5
  5. Lee A, Done ML. The use of nonpharmacologic techniques to prevent postoperative nausea and vomiting: a meta-analysis. Anesth Analg. 1999 Jun;88(6):1362-1369. https://doi.org/10.1097/00000539-199906000-00031
Figure 4 – Évolution du nombre de revues systématiques et de recommandations de bonne pratique dans la base de données spécialisée Acudoc2 (1995–2021)

Figure 4. Évolution du nombre de revues systématiques et de recommandations de bonne pratique dans la base de données spécialisée Acudoc2 (1995–2021).

Les recommandations de bonne pratique. L’élargissement du champ des données probantes (essais contrôlés randomisés et revues systématiques) se traduit logiquement par l’augmentation du nombre de recommandations de bonne pratique abordant explicitement la question de l’acupuncture (fig. 4). L’enjeu décisif est alors d’établir la solidité de ces preuves, ce qui conditionne l’inscription ou non de l’acupuncture dans les stratégies de prise en charge.

Cette évaluation résulte d’un processus critique et collégial, fondé sur l’examen comparatif de l’ensemble des données disponibles, leur hiérarchisation méthodologique et la confrontation des expertises au sein des instances scientifiques. Elle exprime un jugement collectif, et non individuel, qui n’évalue pas l’acupuncture dans un absolu, mais dans une analyse comparative, selon les mêmes critères appliqués aux autres thérapeutiques.

Dans chaque pathologie, la place de l’acupuncture se définit à partir des données probantes, analysées comparativement à celles des autres thérapeutiques disponibles, selon une méthodologie et des critères identiques.

Les revues précédemment citées de la Cochrane Collaboration constituent ainsi la base de recommandations fortes en faveur de l’acupuncture, qu’il s’agisse de la prévention de la migraine (Société française d’études des migraines et céphalées, SFECM)15, du traitement de la prostatite chronique et du syndrome douloureux pelvien (European Association of Urology, EAU)16, ou encore de la prévention des nausées et vomissements postopératoires (Enhanced Recovery After Surgery Society, ESRA)17.

  1. Demarquay G, Mawet J, Guégan-Massardier E, et al. Revised guidelines of the French Headache Society for the diagnosis and management of migraine in adults. Part 3: Non-pharmacological treatment. Rev Neurol (Paris). 2021;177(7):753-759. https://doi.org/10.1016/j.neurol.2021.07.001
  2. Engeler D, Baranowski AP, Borovicka J, et al. EAU Guidelines on Chronic Pelvic Pain. European Association of Urology (EAU); 2024. https://uroweb.org/guidelines/chronic-pelvic-pain
  3. Batchelor TJP, Rasburn NJ, Abdelnour-Berchtold E, Brunelli A, Cerfolio RJ, Gonzalez M, Ljungqvist O, Petersen RH, Popescu WM, Slinger PD, Naidu B. Guidelines for enhanced recovery after lung surgery: recommendations of the Enhanced Recovery After Surgery (ERAS®) Society and the European Society of Thoracic Surgeons (ESTS). Eur J Cardiothorac Surg. 2019 Jan 1;55(1):91-115. https://doi.org/10.1093/ejcts/ezy301

Les études mécanistiques. De nombreuses recherches expérimentales de haut niveau ont mobilisé des méthodes avancées ( optogénétique, imagerie fonctionnelle, transcriptomique…). Elles ont permis de préciser les mécanismes généraux de l’acupuncture (neuromodulation, régulation immunitaire, modulation de la douleur, contrôle de l’inflammation, plasticité cérébrale…) ainsi que leurs bases moléculaires, incluant l’activation de voies de signalisation spécifiques. Ces résultats confèrent à l’acupuncture une crédibilité biologique solide, fondée sur l’identification de processus physiologiques cohérents et reproductibles. Parmi ces travaux, une publication emblématique, parue en 2021 dans la très prestigieuse revue Nature18, a mis en évidence une base neuroanatomique à la spécificité des points d’acupuncture.

  1. Liu S, Wang Z, Su Y, Qi L, Yang W, Fu M, Jing X, Wang Y, Ma Q. A neuroanatomical basis for electroacupuncture to drive the vagal-adrenal axis. Nature. 2021 Oct;598(7882):641-645. https://doi.org/10.1038/s41586-021-04001-4

3- La nécessaire formation du personnel médical

À partir du moment où une thérapeutique est intégrée dans les recommandations pour la prise en charge d’un ensemble de pathologies, en particulier celles à fort impact de santé publique, il devient nécessaire d’en organiser la mise en œuvre à l’échelle du système de santé. Cela suppose de garantir pour le patient un accès équitable, sûr et conforme aux standards établis, ainsi que d’assurer la formation et la qualification des professionnels chargés de sa mise en œuvre.

En France, la pratique de l’acupuncture est réservée aux médecins et aux sages-femmes dans le cadre d’un dispositif de formation spécifique :

  • Pour les médecins, elle repose sur la capacité de médecine en acupuncture, diplôme national défini par arrêté ministériel et délivré par des universités habilitées par l’État. À la différence des DIU, cette formation relève d’un cadre réglementaire national et figure parmi les quinze capacités médicales reconnues (médecine d’urgence, gérontologie, traitement de la douleur, etc…).
  • Pour les sages-femmes, elle est rendue possible dans leur champ de compétence par un diplôme spécifique, le diplôme interuniversitaire d'acupuncture obstétricale (Arrêté ministériel du 2 novembre 2009).

L’obstétrique se caractérise par une tension permanente entre l’impératif de soulager les symptômes maternels et la nécessité de préserver la santé fœtale. Le recours aux médicaments est limité par le risque tératogène, les effets indésirables potentiels et l’insuffisance de données robustes concernant leur tolérance pendant la grossesse. Ces contraintes restreignent de façon significative les possibilités de traitement pharmacologique.

Dans ce contexte, les approches non pharmacologiques ne constituent pas un simple adjuvant mais un champ thérapeutique à part entière. L’acupuncture s’inscrit dans cette perspective : son intégration en pratique clinique apparaît d’autant plus pertinente qu’elle répond à une attente sociale et institutionnelle de solutions sûres et validées en période périnatale.

La gynécologie-obstétrique représente un domaine très actif de la recherche clinique et expérimentale en acupuncture. Selon une analyse bibliométrique19 fondée sur Web of Science – principale base de données internationale utilisée pour mesurer la production scientifique et ses tendances – près de 600 articles ont été publiés et indexés entre 2000 et 2020 (fig. 5).

  1. Wu L, Li Y, Yu P, Li H, Ma S, Liu S, Liu M, Yu W. The application of acupuncture in obstetrics and gynecology: a bibliometric analysis based on Web of Science. Ann Palliat Med. 2021 Mar;10(3):3194-3204. https://doi.org/10.21037/apm-21-477
Figure 5 – Évolution cumulée du nombre de publications sur l’acupuncture en gynécologie-obstétrique indexées dans Web of Science sur la période 2000–2020 (d’après Wu L et al., 2021)

Figure 5. Évolution cumulée du nombre de publications sur l’acupuncture en gynécologie-obstétrique indexées dans Web of Science sur la période 2000–2020 (d’après Wu L et al., 2021).

Comme dans les autres disciplines médicales, l’usage de l’acupuncture en obstétrique est étayé par un ensemble cohérent de preuves : recommandations de bonne pratique (12,7 % de l’ensemble des recommandations), revues systématiques et essais contrôlés randomisés publiés dans des revues internationales de premier plan. Nous présentons ci-après les principaux domaines documentés à actualisation récente.

1- Nausées et vomissements gravidiques

L’acupuncture figure comme option thérapeutique dans les recommandations de bonne pratique françaises du CNGOF20. Cette recommandation s’inscrit dans un consensus international incluant le NICE britannique21 et l’OMS22 (fig. 6). Dès 2005, la HAS23 avait émis un avis positif.

  1. Deruelle P, Sentilhes L, Ghesquière L, et al. Consensus formalisé d’experts du Collège national des gynécologues et obstétriciens français : prise en charge des nausées et vomissements gravidiques et de l’hyperémèse gravidique. Gynecol Obstet Fertil Senol. 2022;50(11):700-711. https://doi.org/10.1016/j.gofs.2022.09.002
  2. NICE guideline NG201 : Antenatal care [R] – Management of nausea and vomiting in pregnancy. National Institute for Health and Care Excellence (NICE); 2021. https://www.nice.org.uk/guidance/ng201/chapter/Recommendations#routine-antenatal-clinical-care
  3. WHO Guideline on Self-Care Interventions for Health and Well-Being. Geneva : World Health Organization; 2021. https://www.who.int/publications/i/item/9789240052192
  4. Comment mieux informer les femmes enceintes ? Recommandations pour les professionnels de santé. Haute Autorité de Santé; 2005. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/femmes_enceintes_recos.pdf
Figure 6 – Consensus international sur l’inclusion de l’acupuncture comme option thérapeutique dans la prise en charge des nausées et vomissements gravidiques

Figure 6. Consensus international sur l’inclusion de l’acupuncture comme option thérapeutique dans la prise en charge des nausées et vomissements gravidiques (Evidence in Acupuncture).

Ces recommandations sont confortées par un grand essai contrôlé randomisé multicentrique publié en 2023 dans les Annals of Internal Medicine24 montrant l’efficacité de l’acupuncture chez des patientes avec des nausées et vomissements gravidiques modérés à sévères (fig. 7).

  1. Wu XK, Gao JS, Ma HL, et al. Acupuncture and Doxylamine-Pyridoxine for Nausea and Vomiting in Pregnancy: A Randomized, Controlled, 2 × 2 Factorial Trial. Ann Intern Med. 2023 Jul;176(7):922-933. https://doi.org/10.7326/m22-2974
Figure 7 – Résumé graphique de l’étude (Wu XK et al., 2023)

Figure 7. Résumé graphique de l’étude (Wu XK et al., 2023).

2- Version des présentations du siège

L’acupuncture n’était pas recommandée dans les versions du sièges par le CGNOF25. Ces recommandations, élaborées en 2019, ne tenaient toutefois pas compte de la revue systématique de la Cochrane Collaboration publiée en 202326. Cette dernière, reposant sur treize essais contrôlés randomisés totalisant 2 181 patientes, met en évidence une efficacité significative de l’acupuncture pour augmenter le taux de présentation céphalique à la naissance.

  1. Ducarme G. Présentation du siège. Recommandations pour la pratique clinique du CNGOF — Version par manœuvre externe et techniques de version alternatives. Gynecol Obstet Fertil Senol. 2020;48(1):81-94. https://doi.org/10.1016/j.gofs.2019.10.024
  2. Coyle ME, Smith C, Peat B. Cephalic version by moxibustion for breech presentation. Cochrane Database Syst Rev. 2023 May 9;5(5):CD003928. https://doi.org/10.1002/14651858.cd003928.pub4

Les résultats de la revue de la Cochrane Collaboration confirment ceux de l’étude princeps de Cardini et al., publiée dans le JAMA en 199827. Cette étude compte parmi les tout premiers grands essais contrôlés randomisés multicentriques consacrés à l’acupuncture. Elle représente également une étape majeure dans l’histoire de la recherche clinique, en étant le premier essai sur l’acupuncture publié dans une revue médicale ide tout premier plan. Menée auprès de 260 femmes primipares traitées à 33 semaines de gestation, elle rapportait un taux de présentation céphalique de 75 % dans le groupe acupuncture contre 48 % dans le groupe témoin à 35 semaines.

  1. Cardini F, Weixin H. Moxibustion for correction of breech presentation: a randomized controlled trial. JAMA. 1998 Nov 11;280(18):1580-1584. https://doi.org/10.1001/jama.280.18.1580

3- Douleur chez la femme enceinte

À ce jour, aucune recommandation de bonne pratique n’aborde d’une manière globale la question de l’acupuncture dans la prise en charge de la douleur chez la femme enceinte.

L’acupuncture fait en revanche l’objet d’un complet consensus international quant à son intégration dans la prise en charge de la douleur en population générale (fig. 8). Les seize guidelines publiées depuis 2017, issues de huit pays, la reconnaissent toutes comme option thérapeutique dans la douleur chronique. Parmi elles, les recommandations emblématiques du National Institute for Health and Care Excellence (NICE, 2021)28 placent explicitement l’acupuncture en traitement de première ligne dans la douleur chronique primaire (fig. 9).

  1. National Institute for Health and Care Excellence (NICE). Chronic pain (primary and secondary) in over 16s: assessment of all chronic pain and management of chronic primary pain. NICE guideline [NG193]. London: NICE; 2021. https://www.nice.org.uk/guidance/ng193
Figure 8 – Consensus international sur l’inclusion de l’acupuncture comme option thérapeutique dans la prise en charge de la douleur chronique

Figure 8. Consensus international sur l’inclusion de l’acupuncture comme option thérapeutique dans la prise en charge de la douleur chronique. (Evidence in Acupuncture).

Figure 9 – Résumé graphique des recommandations du NICE 2021 plaçant l’acupuncture en option de première ligne dans la prise en charge de la douleur chronique.

Figure 9. Résumé graphique des recommandations du NICE 2021 plaçant l’acupuncture en option de première ligne dans la prise en charge de la douleur chronique.

Il parait légitime de transposer ces données au contexte de la grossesse, compte tenu des contraintes pharmacologiques qui limitent l’usage des antalgiques et du profil de sécurité désormais bien établi de l’acupuncture en obstétrique (voir infra).

4- Douleur du travail

Un large consensus international reconnaît l’acupuncture comme option thérapeutique dans la gestion de la douleur du travail. Huit recommandations sur neuf publiées depuis 2017 l’intègrent dans leurs recommandations (fig. 10), dont celle de la Haute Autorité de Santé (HAS, 2017)29.

  1. Accouchement normal : accompagnement de la physiologie et interventions médicales. Recommandations de bonne pratique. Saint-Denis : Haute Autorité de Santé ; 2017. https://www.has-sante.fr/jcms/c_2820336/fr/accouchement-normal-accompagnement-de-la-physiologie-et-interventions-medicales
Figure 10 – Consensus international sur l’inclusion de l’acupuncture comme option thérapeutique dans la prise en charge de la douleur du travail

Figure 10. Consensus international sur l’inclusion de l’acupuncture comme option thérapeutique dans la prise en charge de la douleur du travail. (Evidence in Acupuncture).

5. Rétention urinaire du post-partum

Une étude multicentrique de grande ampleur, publiée en 2022 dans JAMA Network Open30 (1 200 primipares), a montré qu’une application de compresses chaudes sur des points d’acupuncture réduisait significativement la rétention urinaire post-partum (fig. 11).  

  1. Zhu Y, Wang F, Zhou J, Gu S, Gong L, Lin Y, et al. Effect of Acupoint Hot Compress on Postpartum Urinary Retention After Vaginal Delivery: A Randomized Clinical Trial. JAMA Netw Open. 2022;5(5):e2213261. https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2022.13261
Figure 11 – Résumé graphique de l’étude (Zhu Y et al., 2022)

Figure 11. Résumé graphique de l’étude (Zhu Y et al., 2022).

Ces résultats trouvent un écho dans une méta-analyse en réseau récente31 consacrée à la prévention de la rétention urinaire post-opératoire. Cette revue, regroupant 45 essais contrôlés randomisés, montre que l’acupuncture figurait parmi les interventions les plus efficaces et les plus sûres pour prévenir la rétention urinaire après chirurgie. Bien que le contexte du post-partum diffère de celui de la chirurgie, ces deux situations partagent des mécanismes physiopathologiques communs impliquant une perturbation réflexe du contrôle vésicosphinctérien. Ces données renforcent ainsi la cohérence physiologique et le profil de sécurité de l’acupuncture dans la prévention des troubles de la miction du post-partum.

  1. Sirisreetreerux P, Wattanayingcharoenchai R, Rattanasiri S, Pattanaprateep O, Numthavaj P, Thakkinstian A. Medical and non-medical interventions for post-operative urinary retention prevention: network meta-analysis and risk-benefit analysis. Ther Adv Urol. 2021. https://doi.org/10.1177/17562872211022296

6- Incontinence urinaire du post-partum

Une revue systématique et méta-analyse récente32, regroupant 21 essais contrôlés randomisés (1 867 participantes), a montré que l’association de l’acupuncture à la rééducation du plancher pelvien améliore significativement les résultats cliniques par rapport à la rééducation seule.

  1. Chu W, Deng X, Gao L, Gao X. Acupuncture combined with pelvic floor rehabilitation training for postpartum stress urinary incontinence: A systematic review and meta-analysis. Clin Rehabil. 2025 May;39(5):618-631. https://doi.org/10.1177/02692155251324585

Un consensus international est établi sur l’intérêt de l’acupuncture dans l’incontinence urinaire d’effort (fig. 12). Même si le contexte du post-partum diffère, ces données soutiennent la plausibilité physiologique et la légitimité clinique de l’acupuncture dans la prise en charge des troubles de la continence urinaire après l’accouchement.

Figure 12 – Consensus international sur l’inclusion de l’acupuncture comme option thérapeutique dans la prise en charge de l’incontinence urinaire.

Figure 12. Consensus international sur l’inclusion de l’acupuncture comme option thérapeutique dans la prise en charge de l’incontinence urinaire. (Evidence in Acupuncture).

7- Douleurs post-opératoires après césarienne

Un essai contrôlé randomisé publié en 2022 dans JAMA Network Open33, incluant 180 patientes programmées pour une césarienne élective, a comparé l’acupuncture à une fausse acupuncture et aux soins standards. Les résultats ont mis en évidence l’efficacité spécifique de l’acupuncture pour réduire la douleur post-opératoire (fig. 13).

  1. Usichenko TI, Henkel BJ, Klausenitz C, Hesse T, Pierdant G, Cummings M, Hahnenkamp K. Effectiveness of Acupuncture for Pain Control After Cesarean Delivery: A Randomized Clinical Trial. JAMA Netw Open. 2022 Feb 1;5(2):e220517. https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2022.0517
Figure 13 – Résumé graphique de l’étude (Usichenko TI et al., 2022)

Figure 13. Résumé graphique de l’étude (Usichenko TI et al., 2022).

Cette étude renforce les conclusions de la revue systématique Cochrane34 publiée en 2020, qui faisait déjà ressortir un intérêt potentiel de l’acupuncture dans la prise en charge de la douleur post-césarienne, mais sur la base de données encore insuffisantes.

  1. Zimpel SA, Torloni MR, Porfírio GJ, Flumignan RL, da Silva EM. Complementary and alternative therapies for post-caesarean pain. Cochrane Database Syst Rev. 2020 Sep 1;9(9):CD011216. https://doi.org/10.1002/14651858.cd011216.pub2

8- Douleurs aigues après déchirure périnéale ou épisiotomie

L’acupuncture est incluse parmi les options thérapeutiques recommandées pour la prise en charge de la douleur après épisiotomie, selon les lignes directrices internationales de la European Society of Regional Anaesthesia and Pain Therapy (ESRA), publiées dans le cadre de l’initiative PROSPECT (Procedure-Specific Postoperative Pain Management)35 (fig. 14).

  1. Luxey X, Lemoine A, Dewinter G, Joshi GP, Le Ray C, Raeder J, Van de Velde M, Bonnet MP; PROSPECT Working Group of the European Society of Regional Anesthesia and Pain Therapy. Acute pain management after vaginal delivery with perineal tears or episiotomy. Reg Anesth Pain Med. 2025 Jun 10;50(6):503-513. https://doi.org/10.1136/rapm-2024-105478
Figure 14 – Algorithme de prise en charge de la douleur après un accouchement par voie basse avec déchirure périnéale ou épisiotomie (ESRA, European Society of Regional Anaesthesia and Pain Therapy)

Figure 14. Algorithme de prise en charge de la douleur après un accouchement par voie basse avec déchirure périnéale ou épisiotomie (ESRA, European Society of Regional Anaesthesia and Pain Therapy).

9- La sécurité obstétricale de l’acupuncture

L’évaluation de la sécurité obstétricale de l’acupuncture repose sur des données concordantes issues de revues systématiques et d’études observationnelles de grande ampleur, qu’il s’agisse de la population générale ou plus spécifiquement de femmes enceintes.

En population générale (incluant des femmes enceintes), les effets indésirables liés à l’acupuncture sont rares et bénins, sans aucune complication obstétricale rapportée. Cela a été établi notamment par une revue systématique36 fondée sur 21 études prospectives totalisant 12 900 000 séances d’acupuncture et par une cartographie37 regroupant 535 revues systématiques d’efficacité et de sécurité publiées jusqu’en juin 2022.

  1. Bäumler P, Zhang W, Stübinger T, Irnich D. Acupuncture-related adverse events: systematic review and meta-analyses of prospective clinical studies. BMJ Open. 2021;11(9):e045961. https://doi.org/10.1136/bmjopen-2020-045961
  2. Xu M, Yang C, Nian T, Tian C, Zhou L, Wu Y, Li Y, Deng X, Li X, Yang K. Adverse effects associated with acupuncture therapies: An evidence mapping from 535 systematic reviews. Chin Med. 2023 Apr 10;18(1):38. https://doi.org/10.1186/s13020-023-00743-7

Les analyses spécifiquement consacrées à la grossesse aboutissent aux mêmes conclusions d’absence de risque obstétrical. Cela est établi notamment par :

  • Une revue systématique38 portant sur 105 études, totalisant 2 460 femmes enceintes et 22 283 séances d’acupuncture.
  • Une autre revue systématique39, composée de 17 études, essentiellement des essais contrôlés randomisés, et incluant 1 193 femmes enceintes pour un total de 7 938 séances d’acupuncture.
  • Une étude de cohorte nationale40  menée à partir de la base coréenne d’assurance maladie, incluant 20 799 femmes enceintes dont 1 030 exposées à l’acupuncture, ne rapportant aucun effet indésirable obstétrical, y compris dans les sous-groupes à haut risque (grossesses multiples, diabète gestationnel, pathologie placentaire).
  1. Park J, Sohn Y, White AR, Lee H. The safety of acupuncture during pregnancy: a systematic review. Acupunct Med. 2014 Jun;32(3):257-266. https://doi.org/10.1136/acupmed-2013-010480
  2. Clarkson CE, O'Mahony D, Jones DE. Adverse event reporting in studies of penetrating acupuncture during pregnancy: a systematic review. Acta Obstet Gynecol Scand. 2015 May;94(5):453-464. https://doi.org/10.1111/aogs.12587
  3. Moon HY, Kim MR, Hwang DS, Jang JB, Lee J, Shin JS, Ha I, Lee YJ. Safety of acupuncture during pregnancy: a retrospective cohort study in Korea. BJOG. 2020 Jan;127(1):79-86. https://doi.org/10.1111/1471-0528.15925
L’ensemble de ces données atteste que l’acupuncture, lorsqu’elle est pratiquée dans un cadre médical, représente une approche sûre et validée en obstétrique. Cela invite à envisager plus largement sa place au sein du système de soins et les modalités de son accessibilité pour les patientes

L’acupuncture constitue aujourd’hui une discipline thérapeutique fondée sur un corpus solide de données probantes et intégrée dans les recommandations professionnelles nationales et internationales. En France, sa pratique relève exclusivement de professionnels de santé (médecins et sages-femmes) formés et diplômés dans un cadre légal et universitaire garantissant la compétence, la qualité et la sécurité des soins.

Ce double ancrage — scientifique et professionnel — permet aujourd’hui de dépasser les anciens débats de légitimité pour envisager l’acupuncture sous l’angle de son intégration optimale dans les parcours de soins, en cohérence avec les standards méthodologiques et réglementaires de la médecine fondée sur les preuves.

L’enjeu n’est donc plus celui de la reconnaissance, mais de l’accessibilité : garantir que les patients puissent bénéficier, dans un cadre médical sécurisé, d’interventions dont l’efficacité est établie et dont la place est désormais pleinement intégrée aux stratégies thérapeutiques.

— Rédaction —

Dr Johan Nguyen, Olivier Goret, Claude Pernice (GERA),
Dr Caroline Guery (GERA, coordinatrice du DIU d’acupuncture obstétricale de la Faculté de Lille),
Mme Annabelle Pelletier-Lambert, sage-femme (GERA, AFSA).


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Mots-clés : Obstétrique


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