
Étude de méta-recherche
Park J, Bae I, Ryu S, Kim M, Bang H, Won J, Lee H. Data sharing in acupuncture meta-analyses: Associations with journal policies and practical considerations. Integr Med Res. 2026 Mar;15(1):101229. [1] |
2Bucheon Jaseng Korean Medicine Hospital, Bucheon, Korea.
3Department of Science in Korean Medicine, College of Korean Medicine, Kyung Hee University, Seoul, Korea.
4Division of Biostatistics, Department of Public Health Sciences, University of California, Davis, CA, USA.
5Department of Meridian and Acupoint, College of Korean Medicine, Dong-eui University, Pusan, Korea.
L'étude
Objectif
Évaluer les pratiques de partage des données dans les méta-analyses d’acupuncture et déterminer les facteurs associés (politiques éditoriales, spécialité des revues, facteur d’impact).
Méthode
Les auteurs ont mené une recherche PubMed couvrant la période d’avril 2022 à décembre 2023. Sur 3713 articles recensés, 300 méta-analyses ont été incluses. Pour chacune, ils ont vérifié la présence d’une déclaration de disponibilité des données (Data Availability Statement, DAS) et la mise à disposition effective des données, en fonction des politiques de partage de données des revues (aucune, recommandée, ou obligatoire). Les associations ont été analysées à l’aide de tests du χ² et de modèles à équations d’estimation généralisées.
Résultats
- Les DAS étaient présentes dans 75,8 % des articles publiés dans des revues disposant d’une politique de partage, contre 21,7 % dans celles n’en ayant pas.
- Elles étaient bien plus fréquentes lorsque le partage était obligatoire (94,6 %) que simplement recommandé (59,2 %).
- La présence d’une politique ou d’une DAS n’était pas associée de façon significative à la disponibilité effective des données, mais les articles publiés dans des revues imposant le partage avaient significativement davantage de chances de fournir leurs données que ceux publiés dans des revues les recommandant seulement (OR 1,58 ; IC95 % [1,11–2,25]).
- Les articles parus dans des revues non-CAM (non spécialisées en médecine complémentaire et alternative) incluaient plus souvent une DAS que ceux des revues CAM (79,1 % vs 49,3 %, p < 0,001), mais l’accessibilité réelle était similaire (71,6 % vs 69,3 %, p = 0,826).
- Le facteur d’impact des revues n’était associé à aucun indicateur de partage (tous p > 0,05).
Conclusions des auteurs
Les politiques éditoriales rendant le partage obligatoire favorisent nettement l’inclusion de DAS et, dans une moindre mesure, la mise à disposition effective des données, mais elles ne suffisent pas à garantir l’accès à des jeux de données véritablement réutilisables.
Commentaires
Cette étude coréenne (avec la participation biostatistique d’une unité de premier plan de l’Université de Californie à Davis) relève de la méta-recherche. La méta-recherche (ou research on research) consiste à analyser la manière dont la recherche est produite, publiée et diffusée, plutôt que son contenu scientifique proprement dit. Elle s’intéresse aux pratiques éditoriales, méthodologiques et institutionnelles, afin d’évaluer la qualité, la transparence et la fiabilité du système de production scientifique lui-même.
Qu’est-ce que le partage des données
Le partage des données est aujourd’hui considéré comme une composante essentielle de la transparence scientifique. Les principes FAIR [2] et les recommandations de l’ICMJE (International Committee of Medical Journal Editors [3]) préconisent, dans l’idéal, de rendre accessibles les données sous-jacentes aux publications afin d’en permettre la vérification et la réutilisation.
Ce partage peut prendre plusieurs formes complémentaires :
- déposer les données brutes (fichiers d’extraction, bases de données, tableaux) dans un entrepôt public (Zenodo, Dryad, Figshare…) ;
- publier le code informatique ou statistique utilisé pour les analyses ;
- inclure dans l’article une déclaration de disponibilité des données (Data Availability Statement, DAS) précisant où et comment les consulter ;
- et, le cas échéant, en définir les conditions d’accès (libre, sur demande, ou sous conditions éthiques).
Ce dispositif vise à garantir la reproductibilité des résultats, à réduire le gaspillage scientifique en évitant les duplications inutiles, et à faciliter de nouvelles analyses à partir des mêmes données.
Il est important de distinguer les niveaux de partage effectif, car la simple présence d’une DAS ne signifie pas que les données soient réellement accessibles et réutilisables
Niveau de partage | Ce que cela signifie | Avantages | Limites |
---|---|---|---|
Aucun partage | Pas de données ni de mention dans l’article | Simplicité | Aucune transparence ni réutilisabilité |
DAS sans accès réel | Déclaration indiquant que les données sont disponibles « sur demande » | Donne un signal d’ouverture | Souvent non suivi d’effet (données non transmises) |
Partage restreint sous conditions | Données accessibles avec autorisation ou après accord formel | Protège les données sensibles | Dissuade la plupart des réutilisations |
Partage en accès libre | Données déposées dans un dépôt public (Zenodo, Dryad, OSF…) avec DOI | Transparence, réutilisabilité, traçabilité | Requiert temps, compétences et soutien technique |
Un outil de prévention des fraudes
Au-delà de ces objectifs de transparence et de réutilisabilité, le partage des données contribue également à prévenir et détecter les fraudes scientifiques. Lorsque les données brutes sont accessibles, d’autres chercheurs peuvent vérifier la cohérence des analyses en recalculant les résultats et en repérant d’éventuelles incohérences, des doublons ou des données inventées. L’impossibilité d’accéder aux données constitue souvent un signal d’alerte en cas de soupçon de fraude ; à l’inverse, la mise à disposition publique des données tend à dissuader les manipulations, puisqu’elle rend toute vérification possible.
Plusieurs cas de fraudes majeures en recherche biomédicale ont d’ailleurs été détectés grâce à des analyses secondaires de données rendues publiques, notamment des essais présentant des données dupliquées ou incompatibles avec les effectifs annoncés. Le partage des données remplit ainsi aussi une fonction éthique et de régulation scientifique, en rendant la falsification plus risquée et la recherche plus vérifiable.
Des enjeux encore plus cruciaux pour les essais cliniques
Si l’étude de Park et al. porte spécifiquement sur des méta-analyses, les exigences en matière de partage des données concernent l’ensemble de la recherche biomédicale, et elles sont encore plus cruciales pour les essais cliniques, qui génèrent des données primaires originales (Individual Participant Data, IPD). Ces données sont essentielles pour permettre la reproductibilité et la réévaluation indépendante des résultats, et leur partage est désormais exigé par de nombreux financeurs et instances éditoriales. Elles contiennent toutefois des informations personnelles sur les participants et doivent donc être anonymisées ou pseudonymisées avant tout dépôt, ce qui représente un travail technique supplémentaire ainsi qu’une validation éthique et juridique préalable.
Le partage des données en acupuncture.
Le résultat de l’étude de Park J et al. paraît aller de soi : les revues qui rendent le partage des données obligatoire obtiennent davantage de déclarations de disponibilité et un accès plus fréquent aux données réelles. L’intérêt de ce travail réside toutefois dans la rigueur de sa démonstration, et dans le fait qu’il s’agit de la première étude à documenter la question dans le champ de l’acupuncture. Elle constitue, de fait, un point de référence pour suivre l’évolution des pratiques de partage des données dans le domaine.
La problématique du partage des données est relativement récente mais désormais bien établie dans la recherche biomédicale. Les principes qui la fondent — transparence, reproductibilité et accessibilité — ont été formulés au milieu des années 2010, à travers les directives FAIR (2016) et les recommandations de l’ICMJE (2017). La question de leur mise en œuvre effective fait en revanche l’objet de travaux plus récents, qui soulignent, dans toutes les disciplines — comme le montre Park J pour le domaine de l’acupuncture —, l’écart persistant entre les intentions affichées et la réalité des pratiques (Hamilton et al., 2023 [4] ; Archer et al., 2025 [5]).
L’étude de Park et al. montre le transfert de la problématique dans le domaine de l’acupuncture. Elle témoigne de la maturité et de l’organisation d’une discipline désormais portée par une communauté scientifique structurée, capable d’interroger ses propres pratiques. Une telle méta-recherche suppose en effet l’existence d’un champ cohérent, réunissant acteurs, données et méthodes clairement identifiés.
L'essentiel à retenir
Le partage des données issues des études scientifiques est devenu un élément central de la transparence et de la reproductibilité de la recherche.
L’étude de Park et al. analyse cette dynamique à travers 300 méta-analyses consacrées à l’acupuncture.
Elle illustre le transfert direct des problématiques générales de la méta-recherche vers l'acupuncture, transfert rendu possible parce qu'elle constitue aujourd’hui un champ significatif et structuré de la recherche biomédicale.
Dr Johan Nguyen
Références
- Park J, Bae I, Ryu S, Kim M, Bang H, Won J, Lee H. Data sharing in acupuncture meta-analyses: Associations with journal policies and practical considerations. Integr Med Res. 2026 Mar;15(1):101229. https://doi.org/10.1016/j.imr.2025.101229 🔓
- Wilkinson MD, Dumontier M, Aalbersberg IJ, Appleton G, Axton M, Baak A, et al. The FAIR Guiding Principles for scientific data management and stewardship. Sci Data. 2016;3:160018. https://doi.org/10.1038/sdata.2016.18 🔓
- Taichman DB, Sahni P, Pinborg A, Peiperl L, Laine C, James A, et al. Data sharing statements for clinical trials: a requirement of the International Committee of Medical Journal Editors. JAMA. 2017;317(24):2491–2. https://doi.org/10.1001/jama.2017.6514 🔓
- Hamilton DG, Hong K, Fraser H, Rowhani-Farid A, Fidler F, Page MJ. Prevalence and predictors of data and code sharing in the medical and health sciences: systematic review with meta-analysis of individual participant data. BMJ. 2023 Jul 11;382:e075767. https://doi.org/10.1136/bmj-2023-075767 🔓
- Archer D, Barks N, Chaudhry M, Dennis B, Duncan J, Elfar A, Gardner T, Paul E, Kee M, Ford AI, Vassar M. Data sharing statements: impact of journal policies across clinical research disciplines. Eur Heart J. 2025 May 30:ehaf359. https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehaf359 🔓
Mots-clés : Bibliométrie